Ça sent la poudre
«Le lait en poudre, c’est du lait mort alors que le lait local est vivant… On a un potentiel énorme de production, il nous faut juste une bonne politique. »1 Ibrahim Diallo est président de l’Union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait du Burkina Faso (UMPLB). Comme lui, beaucoup de personnes pensent que l’Afrique, et notamment l’Afrique de l’ouest, devrait produire plus de lait et en importer moins de l’Union européenne, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande ou d’ailleurs.
Parce que cette importation s’apparente à une concurrence déloyale : l’agriculture des pays précités est souvent subventionnée. Parce qu’elle coûte très cher aux Africains. Et aussi – et peut-être surtout – parce qu’on ne sait pas bien quels sont les effets de ce lait reconstitué sur la santé des gens, et notamment des enfants. D’autant qu’une partie de plus en plus importante de cette poudre exportée est enrichie en matière grasse végétale, et notamment en huile de palme.
Tiens donc, lorsqu’il s’agit de notre nourriture, l’huile de palme est très décriée. Les études pleuvent pour décrire sa nocivité. Certaines enseignes vont même jusqu’à la bannir de leurs rayons. Mais lorsqu’elle est intégrée à grosses louches à la poudre de lait vendue aux Africains, personne ne trouve plus à y redire. Pas même les scientifiques qui semblent plus se soucier de la composition de notre Nutella que du contenu du biberon des bébés africains.
« Ce sera un futur scandale sanitaire ! », clamait un exportateur français de génétique bovine lors du cinquantenaire de l’école vétérinaire de Dakar en novembre dernier, dans la capitale sénégalaise. La prédiction est hasardeuse, certes. Mais, elle a le mérite d’être posée. Car, en réalité, nous n’en savons rien. Et c’est justement pour cela que la recherche publique africaine, et qui plus est celle des pays exportateurs de poudre de lait, devrait urgemment s’emparer de la question. Ce serait sans doute plus utile que certaines recherches très coûteuses aux intérêts limités, voire à des fins privées.
Mais voilà, lorsqu’il y a des intérêts économiques en jeu, la raison comme la recherche prennent souvent la poudre d’escampette…
(1) Citation tirée du dossier « N’exportons pas nos problèmes » réalisé par SOS faim, Oxfam solidarité, Vétérinaires sans frontières Belgique et Mon lait est local.
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