Campagne cotonnière 2023-2024 : les voyants sont au vert
La campagne cotonnière 2022-2023 n’a pas répondu aux attentes, avec une production en baisse de 29 %. Les acteurs ont pointé du doigt l’embargo sous-régional qui a privé le pays de s’approvisionner aux différents ports et l’invasion des champs par des jassidés. Face à cette dernière problématique, une solution scientifique semble trouvée pour réussir la campagne cotonnière 2023-2024. À l’heure où nous écrivons, les paysans attendent l’annonce du montant des subventions et les éleveurs le versement des 10% de cotons-graines.
Le recul enregistré lors de la campagne cotonnière 2022-2023 au Mali est de 35 %. Au début de la campagne, les autorités avaient annoncé une production de 810 000 tonnes. Ainsi, le Mali compte, au cours de cette campagne 2023-2024, se donner les moyens pour ravir la première place au Bénin, actuellement premier fournisseur africain de coton. Après la levée de l’embargo et la découverte d’un produit efficace contre les jassidés – des nouvelles espèces de cicadelles, insectes parasites du coton qui provoquent un jaunissement des feuilles –, les acteurs promettent une campagne cotonnière 2023-2024 plus réussie que la précédente.
Pour ce faire, il fallait trouver au plus vite une solution à l’équation phytosanitaire des jassidés qui, en plus du Mali, ont envahi des champs en Côte d’Ivoire, au Togo, au Sénégal et au Niger. Partageant la même situation sécuritaire et le même contexte politique que le Mali, le Burkina Faso a été aussi victime des jassidés. Les pertes par rapport aux prévisions ont été estimées à plus de 30 %. Au Mali, les chercheurs de l’Institut d’économie rurale (IER), en collaboration avec les autres pays victimes de jassidés, ont opté pour le Flonicamide 50 WG- 500g ; produit fabriqué en Inde. Selon le Dr Lassana Touré, chef du programme coton de l’IER à Sikasso, ce pro- duit a été testé sur le coton dans trois pays d’Afrique de l’Ouest et dans une quarantaine de pays dans le monde. Au Mali, un champ de coton expérimental a été implanté au centre de recherche de N’Tarla pour tester l’efficacité du produit. « La problématique des jassidés est un mauvais souvenir », nous rassure le directeur de la production de la Compagnie malienne de développement du textile (CMDT), en tournée avec les chercheurs de l’IER dans les filiales de Sikasso, Koutiala et de Kita à la mi-mars.
Le Flonicamide 50 WG- 500 g n’est pas spécifique à une culture, mais plutôt aux jassidés, rassurent les chercheurs de l’IER. « À Kadiolo, après vingt jours de traitement dans un périmètre maraîcher, nous avons maîtrisé les jassidés », affirme Moro Diakité, directeur de la production de la CMDT. Quant au président de l’Union des coopératives de producteurs de Kadiolo, dans la région de Sikasso, il s’est dit rassuré par rapport à la campagne cotonnière 2023-2024, car il a constaté lui-même sur le terrain les résultats du Flonicamide 50 WG- 500g.
Quid de la problématique des intrants ?
Selon les chiffres de la CMDT, cette année, ce sont 120 000 tonnes d’intrants qui ont été commandés pour un complexe coton qui correspond à 800 000 hectares. « En matière de réception, nous sommes à plus de 51 % et quant à la mise en place elle est de 50 % », rassure Moro Diakité, le directeur de la production agricole, et il ajoute que d’ici le 30 mai 2023, tous les producteurs auront leur engrais. Selon Ibrahima Sissoko, administrateur général de la filiale coton de Koutiala, la région de Koutiala a reçu 18 400 tonnes sur 34 515, soit un taux de réception de 53 %, et 19 333 tonnes d’urée sur 27 400 programmées, soit un taux de réception de 70 %, contre 0 % l’année dernière à la même période. À Kita, pour le complexe coton, ce sont 7 900 tonnes d’intrants qui ont été reçues sur une prévision de 12 900 tonnes, soit un taux de 61%.
Pour la campagne cotonnière qui commence au mois d’avril 2023, il y a encore beaucoup d’incertitudes. Si l’année dernière, l’État a subventionné les intrants minéraux et organiques à hauteur de 12 500 FCFA le kilogramme, les paysans attendent avec impatience la tenue du conseil supérieur de l’agriculture qui va déterminer le montant de la subvention de cette année. Compte tenu des pertes de la dernière campagne, nombreux sont les paysans qui souhaitent que cette subvention soit revue à la hausse pour atteindre 15 000 FCFA. L’autre question, qui devra aussi être tranchée au cours du prochain conseil supérieur de l’agriculture, est celle cruciale du prix d’achat du kilogramme de coton par l’État, quand on sait que, l’année dernière, le prix d’achat du coton graine avait été fixé à 285 FCFA/kg. La tenue de ce conseil est prévue pour le mois d’avril.
Les éleveurs en trouble-fête
Si au niveau de la CMDT et de ses partenaires, tous les voyants semblent être au vert pour une campagne cotonnière 2023-2024 réussie, la faîtière de l’élevage vient de poser un épineux problème lors d’une conférence de presse tenue le jeudi 23 mars 2023. Les faîtières réclament les 10 % de graines de coton qui leur ont été accordés par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, lors du conseil supérieur de l’agriculture en mars 2022, afin de leur permettre de faire face aux coûts de l’aliment bétail dont la tonne est actuellement cédée à 300 000 FCFA, soit 15 000 FCFA le sac. Sur le pied de guerre, les éleveurs demandent à entrer en pos- session des 10 % de cotons- graines de la campagne 2021-2022 qui leur avait été promis par le chef de l’État. Il faut rappeler que les acteurs de la filiale bétail viande/lait, qui contribue à hauteur de 16,2 % du PIB, promettent des répercussions sur les prix et une baisse de productivité de la viande et du lait à court et moyen termes. Cela aura pour conséquence de faire chuter le Mali de sa deuxième place au sein de l’UEMOA, au moment où tout est mis en œuvre pour ravir la première place au Bénin dans la production de coton.
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