Quand le cacao sursoit au pétrole
La chute des prix de l’or noir met le Nigeria dans une situation difficile. Résultat, le pays le plus peuplé d’Afrique se tourne vers la production de cacao pour combler le déficit.
Parmi les États qui veulent désormais compter sur le cacao pour relancer leur économie figure Akwa Ibom. Cet État du sud du Nigeria, peuplé d’environ six millions d’habitants, est l’un des six États pétroliers du pays. Mais aujourd’hui, Akwa Ibom vire à l’agriculture, et le cacao est le produit choisi pour amorcer ce nouveau virage.
Ainsi, le gouverneur d’Akwa Ibom, Emmanuel Udom, précise que l’objectif de son État est « la plantation de plus de 60 000 hectares de cacaoyers ». Il martèle : « Akwa Ibom sera le numéro deux africain en matière de production de cacao très bientôt. » Des variétés de cacao améliorées ont déjà été plantées sur plus de 30 000 hectares dans cet État. Raison pour laquelle les autorités ont envoyé des jeunes en Israël pour être formés dans le domaine agricole. Un autre groupe de 450 jeunes partira avant la fin de l’année. Objectif ? Faire de l’agriculture un secteur stratégique pour lutter contre la pauvreté et mettre en place les structures pour la formation agricole.
450 jeunes en Israël
L’État d’Akwa Ibom n’est pas le seul à miser sur l’agriculture. L’État d’Osun, situé dans le sud-ouest du pays, lui aussi sérieusement affecté par la chute des prix du pétrole et incapable de payer ses fonctionnaires depuis plus d’un an, jette son dévolu sur le cacao. Pour le gouverneur Rauf Aregbesola, « plus question de compter sur les revenus provenant du pétrole. L’agriculture est désormais la solution ». Même cas de figure pour l’État d’Ondo, toujours dans le sud-ouest : il a remis en état, il y a quelques années, trois usines de traitement de cacao et a lancé une campagne sur le thème « Mangez du chocolat ».
À l’échelle nationale, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Chief Audu Ogbeh, estime que son ministère va revoir toutes les politiques en place en vue d’améliorer la production du cacao. Cette spéculation fera partie, selon lui, dans un proche avenir, « des principaux produits d’exportation » du pays, conformément à l’ambition du gouvernement fédéral qui veut faire de l’agriculture le nouveau pétrole du Nigeria.
Au cours des cinq dernières années, la transformation locale du cacao a connu une amélioration. Elle a été stimulée par la demande croissante de poudre et par l’Export Expansion Grant. Cet EEG est une incitation financière accordée par le gouvernement pour favoriser les exportations non pétrolières et la transformation locale.
900 millions de dollars
Cependant, les exportateurs de cacao du Nigeria sont très exigeants quant à la qualité du produit. Ainsi, en 2011 et pour la première fois, un exportateur de cacao du Nigeria a acquis le fameux « UTZ Certified Good Inside ». Cette certification garantit une culture de cacao durable et responsable socialement et écologiquement. Dans le but de maintenir cette tendance, un Comité national de développement du cacao (NCDC) a même été mis en place. Ce comité distribue gratuitement des insecticides, donne des conseils aux paysans et veille à la qualité de leurs produits.
En 2014, l’ancien ministre de l’Agriculture, actuellement président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, avait fièrement déclaré : « Cette année, le cacao a rapporté 900 millions de dollars au pays ! » En précisant que la compagnie internationale Hershey’s avait même acheté pour 20 millions de dollars de cacao à 20 000 agriculteurs nigérians.
Transformation, prix, délais de paiement, coupures d’électricité…
Les difficultés que rencontrent les producteurs sont légion. La Cocoa Processors Association of Nigeria (Copan) interpelle le gouvernement depuis plusieurs années sur les difficultés du secteur de la transformation au Nigeria. Il souffre du coût élevé des fèves et de coupures d’électricité. Alors qu’il y avait 18 unités de transformation d’une capacité de 200 000 tonnes en 1986, elles ne sont plus que quelques-unes aujourd’hui dans le pays, transformant moins de 40 000 tonnes par an.
La Copan pointe aussi du doigt la dérégulation du secteur, avec des prix au producteur déterminés suivant les prix internationaux et la fluctuation du naira, la monnaie locale. Or, les prix internationaux élevés du cacao ont conduit à une hausse de plus de 50 % du prix domestique sur les cinq dernières années. Cela a conduit plusieurs unités de transformation à fermer leurs portes.
Un autre grief porte sur les délais de paiement de l’Export Expansion Grant (EEG), estimés trop longs. Face à cette situation, la Copan s’alarme du fait que les unités de transformation pourraient délocaliser leur production. À l’image de l’Américain Cargill qui a quitté le Nigeria il y a quelques années, pour s’implanter au Ghana avec une unité d’une capacité de 60 000 tonnes.
À méditer pour le nouveau ministre de l’Agriculture Chief Audu Ogbeh, chargé de relancer cette spéculation au Nigeria.
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