Bienvenue chez les laitiers de Kolda
Saloum est éleveur, Saïdou est transformateur, Ibrahima est fromager, Souleymane est coordinateur de la fédération des producteurs de lait, Daouda est collecteur... Nous les avons rencontrés chez eux, dans leurs fermes, laiterie, fromagerie. À côté des vaches, des ânes qui braient, de la poussière, des enfants qui jouent, des dames qui cuisinent, de la mosquée en construction. Rencontres avec les acteurs de la filière lait de Kolda, en Haute-Casamance.
Trois enfants passent devant nous à pas cadencés. Ils marchent pieds nus, munis de récipients de fortune. « Ce sont des talibés, explique Saïdou Baldé, 55 ans, notre hôte du jour. Leurs parents les ont placés chez des maîtres coraniques qui leur enseignent le Coran. N’ayant pas de quoi les nourrir, ils les envoient quémander sur les routes… ».
Daouda vient d’arriver. Il porte quatre Jerricans de lait solidement attachés sur le porte-bagages de sa moto chinoise. 80 litres au total. « Je les ai achetés à quinze producteurs de six villages », dit-il. En déchargeant les bidons, il poursuit : « J’achète le litre à 250 francs au producteur (0,38 €) et le revends 300 à Saïdou. Si j’enlève l’essence, je gagne 3 000 francs dans la journée (4,50 €) ».
Pas plus d'un à deux litres de lait par jour
Résultat : les vaches ne lâchent guère plus d’un à deux litres de lait par jour. « Chaque transformateur se partage de 50 à environ 400 litres à transformer quotidiennement », précise Saïdou. Ces mini-laiteries se débrouillent souvent avec les moyens du bord. Mais les résultats sont là.
Les affaires étant bonnes, Saïdou a acheté un Citroën Berlingo. Cet utilitaire d’occasion « vient d’Espagne, dit-il en tapotant la carrosserie. Il a sept ans et demi, Je l’ai payé 3,8 millions de francs (5 800 €) ». Petit souci, Saïdou « n’a pas encore le permis ». Pas grave, un collègue prend le volant pour nous emmène au périmètre maraîcher d’à côté.
Mais revenons à nos fromages. Précisément, chez Ibrahima Fall, toujours à Kolda. L’homme avoue 70 ans mais en paraît dix de moins. « Une bonne hygiène de vie et un bon fromage ! », rigole-t-il. Ibrahima est… fromager. « Je suis l’un des deux ou trois vrais fromagers en lait de vache du pays ! », s’enflamme-t-il. Dans son atelier, le personnel porte la charlotte ; l’atelier est fait d’inox et de carrelages... Seules les moules sont de fabrication maison. « Nous les avons fabriqués sur place sur la base d’une photo », argumente Ibrahima. Pas mal. Sans compter qu’au goût, les tommes, mozzarelles, catiotas et autres fromages frais ont belle allure.
Ibrahima raconte qu’il a étudié la technique fromagère à l’École nationale de l’industrie laitière (Enil) de Besançon Mamirolles, dans l’est de la France. En lien avec l’Afdi Bourgogne - Franche-Comté bien sûr. Il dit qu’il vend ses fromages à des expatriés, des cadres, dans des hôtels... Et que le président sénégalais Macky Sall, lui-même, lui a rendu visite sur un Salon local. En témoigne la photo un peu gondolée qu’il nous tend.
Ibrahima sort une coupure d’article : l’histoire d’un Russe revenu au pays pour produire des fromages en pleine toundra. « Je veux faire pareil ! », dit-il. D’ailleurs, il revient de brousse : « Je suis allé former des gens à la collecte du lait, près de la frontière de la Guinée, parce que je veux produire du fromage sur place, en brousse », martèle-t-il.
Des ânes pour le maïs
Celui qui m’a amené sur sa moto - toujours chinoise -, c’est Saloum Mballo. Cet éleveur de 48 ans, père de neuf enfants, est secrétaire général de la fédération des producteurs de lait. Sa ferme se situe à Bantancountou Maounde (dur à dire), à quinze kilomètres de Kolda. Là aussi où Souleymane Baldé, le coordinateur de la fédé, à un troupeau.
La nuit est tombée sur Bantancountou. Entouré de toute la troupe de ses aïeux, Souleymane offre un couscous de mil arrosé de lait frais et d’eau du puits. Il fait chaud. Quelques enfants jouent dehors. D’autres regardent l’unique télé, un peu brouillée, de la tribu. La moustiquaire est déjà sur le lit. Je vais m’endormir des images plein les yeux, le palais flatté et le ventre bien rempli. Encore une fois, merci l’Afrique.
Commentaires
la conservation du lait est un maillon nécessaire pour la réduction des pertes, la collecte et la transformation de celui-ci. Des solutions sont aujourd'hui opérationnelles, pour que ce soit un succès toutes les parties prenantes doivent collaborées et être portées par une stratégie claire et une politique responsable et volontariste. Le statu quo n'est pas une fatalité, la preuve !
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