Comment produire un poivre de qualité
La bonne pratique de production du poivre noir doit respecter la diversité des méthodes traditionnelles. Cela dit, leur mise en œuvre se heurte à certaines contraintes bien connues : les moyens financiers limités des petits planteurs, l’éloignement des structures de soutien et de commercialisation, le manque d’incitation financière en vue de promouvoir le changement, ainsi que l’inertie des habitudes prises de longue date.
Outre la production, il est donc indispensable de comprendre comment structurer et gérer les opérations de récolte, traitement post-récolte, transport et stockage du poivre pour établir un système de qualité, de traçabilité et de sécurité sanitaire.
1. récolte
On ne peut pas produire un bon poivre à partir de matières mal récoltées. Corriger les techniques de récolte pourrait être considéré comme le facteur le plus important dans la production d’une haute qualité du produit final. Le problème principal est la récolte immature.
■ Récolte immature
La principale raison de la récolte immature est la crainte de vol. Si la récolte est faite correctement quand elle est arrivée à maturité, l’accroissement des rendements et l’augmentation de la valeur du produit final peuvent compenser les pertes dues au vol.
Par le biais d’agents d’extension, la récolte correcte devrait être encouragée. Toutefois, le poivre immature engendre parfois un prix plus élevé que le poivre mûr car il a une plus forte proportion de composants de saveur.
■ Récolte correcte
Le poivre doit être cueilli quand une ou plusieurs baies commencent à devenir jaune-orange. Les baies doivent être dures au toucher.
Chaque méthode de cueillette des baies de poivre a ses avantages et ses inconvénients, mais pour avoir un poivre vert de bonne qualité, sans corps étrangers, sans moisissure ni OTA, et sans contamination bactérienne, il est conseillé de suivre les pratiques suivantes :
• éviter de récolter les baies vertes piquées (coléoptères) et pourries ;
• récolter uniquement les baies vertes pour la production de poivre vert, et des baies orange ou jaunes et rouges mûres pour la production des poivres noir et blanc.
2. Battage
Dans la plupart des pays, les baies de poivre récoltées sont retirées de l’épi avant le séchage. Cela peut être fait à la main, par battage à l’aide de bâtons ou par piétinement sur les épis.
3. Nettoyage
Un produit propre est essentiel. Le problème majeur pour l’exportation de poivre par les petits exploitants agricoles est la production d’un poivre suffisamment propre.
La première étape consiste à enlever la poussière, la saleté et les pierres en utilisant un van. Cela peut être fait de la même manière que pour le riz ou le café. Une personne qui a l’habitude de ce travail peut éliminer les impuretés rapidement et efficacement : elle peut nettoyer plus de 100 kg de poivre dans une journée de huit heures.
Des machines peuvent être achetées ou fabriquées pour enlever la poussière, la saleté et les pierres. Toutefois, à petite échelle, le vannage à la main reste le système le plus approprié.
Après le vannage, la récolte a besoin d’être lavée à l’eau. Pour une quantité allant jusqu’à 50 kg par jour, il faut deux à trois seaux de 15 litres. La récolte doit être lavée à la main et drainée deux ou trois fois. Pour de grandes quantités, un évier ou bassin de 1 m³ avec écoulement est nécessaire. Il peut être fabriqué en béton. Cependant, l’eau doit être changée régulièrement pour éviter toute contamination. Seule l’eau potable devrait être utilisée.
Les baies de poivre peuvent être blanchies avant d’être séchées, en les trempant dans l’eau bouillante pendant dix minutes. Cela accélère le séchage et le brunissement des fruits. Toutefois, les coûts de carburant peuvent être prohibitifs.
4. séchage
C’est de loin l’étape la plus importante. L’incapacité de sécher correctement le produit pourra ralentir l’ensemble du processus, voire conduire à des moisissures. Tout poivre contenant des traces de moisissure ne peut plus être utilisé pour le traitement. La valeur de vente du poivre moisi peut être inférieure à 50 % de la valeur normale.
Dans les cas extrêmes, toute la récolte peut être perdue. Pour obtenir la couleur noire pleine du poivre séché, il doit être séché au soleil direct. Ceci peut être obtenu par séchage au soleil, séchage solaire ou dans un séchoir solaire combiné à un séchoir chauffé par du bois ; pendant la saison sèche, le séchage au soleil est généralement suffisant. La méthode la plus simple et la moins chère est de déposer le poivre sur des nattes au soleil, cependant on note des problèmes associés à cette méthode : la poussière et la saleté, ainsi que les tempêtes de pluies inattendues.
Un séchoir solaire permet d’éviter ces inconvénients. Le type le plus simple peut être construit à partir de matériaux disponibles localement (bambou, fibres de coco, tissage en nylon…).
Pour les unités plus grandes (plus de 30 kg/jour), un séchoir moderne de grande capacité peut être utilisé. Toutefois, les coûts de construction sont plus élevés. Une évaluation financière complète doit donc être réalisée pour veiller à ce qu’un revenu plus élevé à partir de poivre de meilleure qualité puisse justifier la dépense supplémentaire.
Pendant la saison humide ou les moments de forte humidité, qui coïncident souvent avec la récolte des épices, un séchoir solaire ou le séchage au soleil ne peuvent pas être utilisés efficacement. Un séchoir artificiel, qui utilise une source d’énergie bon marché, est nécessaire. Cela peut être un séchoir chauffant avec du bois ou de la paille, ou combiné avec du bois à combustion et un séchoir solaire.
5. broyage
Cette crainte ne peut être surmontée que par la production d’un produit de haute qualité afin de gagner la confiance des clients. Il existe essentiellement deux types de broyeurs – manuels et mécaniques. Un moulin de broyage doit être placé dans une partie distincte et bien aérée, à cause de la poussière.
6. emballage
L’emballage du poivre, surtout s’il est broyé, nécessite un polypropylène. Le polyéthylène ne peut pas être utilisé car les composants de saveur se diffusent à travers lui. Les sacs peuvent être scellés par simple pliage du polypropylène sur une lame de scie à métaux et en le tirant doucement sur la flamme d’une bougie. Cependant, cela peut être très inconfortable lorsque la lame s’échauffe et peut brûler les mains de l’opérateur. Il s’agit néanmoins d’une technique très courante.
Autre méthode : une machine à sceller, qui permet d’accélérer cette opération et produira un fini beaucoup plus net – ce qui est très important. Les machines à sceller les moins chères n’ont pas de mécanisme de minuterie pour indiquer que le sac est scellé, et ont tendance à surchauffer. Les machines à sceller avec minuterie sont souhaitables.
7. stockage
Un dépôt bien conçu et sécurisé est indispensable. Les conditions optimales pour un entrepôt sont une température basse, un faible taux d’humidité et une absence de parasites.
L’entrepôt doit être situé dans un endroit ombragé et sec. Pour conserver l’humidité la plus faible possible, seuls des produits totalement secs devraient y être stockés. Ces derniers doivent être vérifiés régulièrement. S’ils absorbent trop d’humidité, ils doivent être séchés à nouveau.
Pour empêcher les rongeurs d’entrer, le toit devrait être entièrement scellé. Une moustiquaire doit être placée sur les fenêtres et les portes doivent être bien ajustées.
CONCLUSION
L’amélioration de la qualité sanitaire du poivre passe par la mise en place d’un programme de vulgarisation des bonnes pratiques durant la culture et les traitements post-récolte. Ces actions de formation et de sensibilisation devraient s’appuyer sur une démarche HACCP et sur les résultats de la recherche agronomique. De même, on gagnerait à instaurer une prime à la qualité.
Zoom
Les quatre grandes méthodes de récolte du poivre
1) La cueillette très sélective et entièrement manuelle. Ce fingerpicking est pratiqué dans toutes les vieilles plantations de poivre en Côte d’Ivoire. Il consiste à cueillir une à une les baies mûres, sur plusieurs passages.
2) La méthode consistant à ne récolter que les branches portant des baies mûres,
et ceci aussi en plusieurs passages.
3) La méthode consistant à récolter toutes les baies d’un même arbre en une seule fois.
4) La récolte mécanique. Elle permet, par vibration, de faire tomber tous les fruits (baies vertes et mûres).
Professeur Armand Ardjouma Dembelé -
Directeur général du Laboratoire national d’appui au développement agricole de Côte d’Ivoire
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