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Importation, production locale…

Quelle politique laitière pour l’Afrique ?

Publié le 28/11/2018 - 22:49
Production de lait dans la région de Kolda, au Sénégal. Photo : A. Hervé

Production de lait dans la région de Kolda, au Sénégal. Photo : A. Hervé

La question a été débattue lors de l’une des nombreuses conférences scientifiques qui se déroulent pendant le cinquantenaire de l’Ecole inter-états des sciences et médecine vétérinaires de Dakar (EISMV), du 26 au 30 novembre, dans la capitale sénégalaise.

Ce n’est pas une nouveauté : la majorité des pays africains importe massivement de la poudre de lait, voire du lait écrémé enrichi en matière grasse d’origine végétale (huile de palme…). Pourquoi ? Parce qu’ils ne produisent pas suffisamment de lait naturel chez eux pour nourrir leur propre population, qui plus est jeune et grandissante.

La question se pose alors de savoir si cette importation ne constitue pas une concurrence déloyale à la production locale ? Débattue lors de l’une des nombreuses conférences scientifiques du cinquantenaire de l’Ecole inter-états des sciences et médecine vétérinaires de Dakar (EISMV), cette question divise et est plus complexe qu’il n’y paraît.

Si, pour certains, la réponse est clairement oui : « La production occidentale de lait est subventionnée, contrairement à la nôtre. C’est une concurrence déloyale », fait remarquer ce vétérinaire nigérian.  Pour d‘autres, l’analyse s’avère plus nuancée : « Sans importation, nous ne produisons pas assez de lait. Et, sans importation, le prix au consommateur augmenterait trop pour ce produit de première nécessité », rétorque cet autre intervenant.

Stérilisation du lait (Kolda Sénégal, AH)

Stérilisation du lait (Kolda Sénégal, AH)

L’alimentation des vaches est souvent le facteur limitant de la production africaine de lait. Quantité et qualité de fourrages manquent régulièrement à l’appel. Climat aride et manque d‘eau, certes. Mais aussi des problèmes d’ordre culturels. Comme le fait de préférer réserver le foncier à des cultures vivrières plutôt qu’à l’alimentation des animaux.

La génétique est aussi un facteur limitant. Autre dilemme : faut-il ou non importer de la génétique occidentale ? Oui, pour certains qui y voient un moyen d’augmenter rapidement la production. En pratiquant des croisements avec des races locales, pour gagner en rusticité et en productivité. Ou en exploitant directement des races pures : Montbéliarde, Normande, Holstein…. Mais cela, « à condition que ces animaux soient conduits de façon professionnelle pour qu’ils puissent exprimer pleinement leur potentiel », nuance cet exportateur de génétique française.

Le problème est aussi d’ordre politique. « Chez nous, il n’y a pas forcément de pénurie de lait, explique le Dr Mani Mamane Rabilou, du Niger. Parfois, dans la zone pastorale, durant la saison pluvieuse, Il y en a trop. Nous sommes même parfois obligés de le jeter parce qu’il n’y a personne pour nous l’acheter. Si ce ne sont des commerçants à qui l’on vend des bidons de 20 litres à 200 Fcfa pour gagner quelque chose. Car nous n’avons pas de moyens pour conserver ce lait. Il faudrait une véritable volonté politique pour organiser tout cela ».

Les gouvernements appliquent bel et bien une politique, selon cet ingénieur du Cirad : « Le TEC (tarif extérieur commun, ndlr) est de 5 % sur le lait et de 25 % sur la viande. Les gouvernants font un choix : ils protègent prioritairement leur production de viande… ».

Et le consommateur dans tout cela ? « Moi, j’aime le lait. Mais le problème, c’est que je ne peux plus faire boire de lait naturel à mes enfants. Ils ont pris le goût du lait reconstitué », s’inquiète le président de séance. Le goût sucré… avec les problèmes de santé, et notamment de diabète, qui en résultent. Tout cela constituera « le prochain scandale sanitaire » croit savoir cet expert français. Espérons que l’avenir ne nous le dira pas…

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