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Togo

Et les femmes cultivèrent leurs propres terres…

Publié le 28/12/2020 - 09:44
Les femmes de WEP-Togo en pleine récolte d’épinards. Photo : Kiki Tassi

Disposer de terre est souvent un parcours difficile pour les femmes africaines. Avec WEP-Togo, 150 femmes cultivent désormais des légumes et élèvent des volailles. Nous les avons rencontrées dans leurs champs près d’Agou. Reportage.

Nous sommes dans la préfecture d’Agou, région des plateaux à environ 110 km de Lomé, la capitale. La région abrite le plus haut sommet du pays (986 mètres), mais surtout une population de près de 85 000 habitants dont une grosse moitié de femmes. Un microclimat couvre la région d’averses régulières. Cela favorise une production agricole en quantité et de qualité.

Organisées en groupement de femmes, les habitantes de la région sont arrivées à bout d’un long périple : avoir des terres pour la culture maraîchère. Pourquoi un long périple ? Parce que trop souvent les femmes sont considérées comme « incapables » de détenir des terres et d’en assurer la gestion permanente. Cela, de peur de manquer de respect à leur mari, de devenir trop autonome, ou encore, si elles venaient à quitter leurs parents, de céder la terre à une autre famille. Ce mythe foncier gangrène l’esprit de la plupart des hommes de la région. Comment arriver à briser ce mythe ?

Adra Akakpo Brigitte est directrice de Women Environmental Programme-Togo (WEP-Togo). Active dans le renforcement des capacités des femmes, cette organisation vient en aide à six groupements de femmes de la préfecture d’Agou depuis septembre 2019.

Tout a commencé par une activité de sensibilisation des autorités locales. Cela, car le mythe selon lequel les femmes n’ont pas droit à la terre est plus ancré en eux. Autre couche sociale qui s’oppose vivement au droit des femmes à la terre : les maris. Pourtant, les femmes sont résolues à soutenir leur époux pour alléger les charges familiales. Il faut reconnaître que les femmes africaines jouent un grand rôle dans le soutien aux familles. Au champ, elles sont les plus travailleuses. Elles seront donc plus productives et épanouies si des lopins de terre sont mis à leur disposition.

Former pour mieux cultiver

La pépinière. Photo : Kiki Tassi
Après ce travail de fond et de conscientisation, environ quatre hectares de terre ont été octroyés à près de 150 femmes pour la production maraîchère. Quelle joie, quelle satisfaction ! Abla Ahoefa Guédé, membre du groupement Novissi, confirme : « Je me sens plus femme et citoyenne. Désormais, je suis fière de faire mon activité sans craindre que la terre me soit retirée un jour. Plus encore, ma famille est épanouie car je participe aux dépenses, et mon mari s’en réjouit. » Adra Akakpo Brigitte, responsable de l’association, renchérit : « L’accès des femmes à la terre n’est pas une faveur mais un droit pour lequel elles doivent se battre et nous y sommes arrivées dans cette région. »

Une chose est de disposer de terre cultivable. Une autre consiste à les exploiter convenablement. WEP-Togo et son équipe se mettent au travail avec les femmes d’Agou. Afin de faire d’une pierre deux coups, des cours d’alphabétisation ont été organisés à l’intention des femmes peu scolarisées ou pas scolarisées. L’objectif est de doter ces femmes des notions de calcul dans leurs activités génératrices de revenus. Elles pourront ainsi détenir des carnets de compte ou s’exprimer en français. Elles pourront traiter avec les acheteurs, les consommateurs, faire des planifications de semis ou déterminer les dimensions de leurs planches pour la culture maraîchère. Cette formation constitue une force pour ces femmes.

Vu l’envergure prise par l’action des femmes dans la communauté, non seulement les hommes ont adhéré à l’initiative, mais ils mettent leur expertise à contribution pour assister leurs épouses. Ils sont désormais disponibles pour aider les femmes à sarcler, à récolter ou, par exemple, les appuyer dans les fermes avicoles. Car les femmes de ce groupement pratiquent également l’élevage de volailles. Elles ont reçu une formation pour cela. « L’élevage vient en appui aux femmes en période de soudure agricole », explique-t-on à WEP-Togo.

Confiance et paix

Après la mise en place des pépinières, ce sont de jolies feuilles d’épinards, d’adémè, de piments, de gombo qui décorent quelques semaines plus tard les parcelles. La suite, c’est une récolte animée de chants et de danses. Pour renforcer l’esprit d’équipe et de convivialité, les femmes ont adopté le système de production agricole solidaire. Celui-ci consiste à travailler de manière rotative dans les champs. Résultats, personne n’est laissé pour compte et chaque parcelle est travaillée en temps réel. En moyenne, 10 kg d’épinards, 5 kg de piments blancs, 5 kg de piment vert et 2 kg d’adémè sont récoltés chaque semaine par ces femmes. Ce projet constitue un levier économique pour les femmes d’Agou, bénéficiaires de ce « projet d’appui aux femmes agricultrices en gestion durable et efficiente des terres ».

L’élevage par temps de coronavirus… Photo : Kiki Tassi
Désormais, plus rien ne constitue d’obstacles pour ces femmes, même pas la pandémie du coronavirus. Grâce à l’appui de WEP-Togo, les femmes sont sensibilisées aux gestes barrières. Une fois dotées de gants, le travail continue. Même la journée nationale de l’arbre du 1er  juin a été observée avec engouement. Les plants mis en terre permettront de nourrir les sols et de protéger les cultures des intempéries.

Hier, plutôt connues comme des femmes débrouillardes, sans espoir, les habitantes d’Agou sont dorénavant des entrepreneuses et des leaders dans leur milieu. Une confiance intérieure les anime. Une paix les envahit enfin, avec pour perspective d’étendre leurs activités génératrices de revenus à d’autres cultures vivrières. Et aussi de faire profiter plus de régions au Togo, à travers des échanges sud-sud.

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