Danone booste la production laitière
En instaurant des primes à la qualité, l’industriel français participe au développement de la production laitière dans un pays au climat hostile à l’élevage des bovins. Reportage.
«Mais c’est Noël ! » Mohamed Ali Touzri, acheteur lait chez Délice Danone à Tunis, raconte comment ses éleveurs ont découvert leur première prime à la qualité. « Certains ont touché jusqu’à 2 500 dinars », explique l’ex-pilote de ligne reconvertit, responsable du programme Evolution, de la joint-venture franco-tunisienne. Annexées sur le taux de matières grasses et le nombre de germes par litre, ces primes concernent, pour l’heure, une cinquantaine de gros producteurs sur les 10 000 éleveurs laitiers que compte le pays.
Des stocks stratégiques
Le groupe Danone a participé, avec quelques autres industriels laitiers, dont le Français Bongrain, au renouveau de la filière laitière en Tunisie ces vingt dernières années. « Aujourd’hui, notre pays est autosuffisant en lait, ce qui est rare au Maghreb, commente Adel Drira, le directeur des achats de Danone Tunisie. Nous exportons même vers la Libye. » La Tunisie a interdit d’importer de la poudre de lait depuis le début des années 2000. Cela alors que le lait régénéré est encore très répandu dans la région, notamment en Algérie. Reste que, pour réguler son stock, la Tunisie s’est dotée de sa propre tour de séchage de lait, d’une capacité de 150 000 litres/jour. L’État a aussi constitué des stocks stratégiques : 68 millions de litres de lait UHT l’an dernier pour faire face notamment au pic de consommation du Ramadan.Ibrahim Mejri, 51 ans, est éleveur à Sidi Thabet, au nord-ouest de Tunis. Il perçoit 0,736 dinar tunisien (DT) par litre de lait. Ibrahim a calculé qu’il lui faudrait « 0,85 DT/litre pour couvrir ses charges d’alimentation ». À côté de lui, Mohamed Ali Touzri commente : « Ce prix de 0,736 dinar est fixé par l’État. C’est un bon prix ! Il a permis de fixer 120 000 personnes dans les zones rurales ». Au détail, le litre de lait est subventionné par l’État, comme la baguette de pain. Résultat : la consommation est passée de 80 à 120 litres par habitant en moins de vingt ans en Tunisie.
Deux des trois vaches d’Ibrahim - une holstein et une brown suisse – viennent d’Allemagne. « L’amélioration génétique fait partie de la modernisation du cheptel au même titre que les cultures fourragères ou l’hygiène de traite », explique Imen Cherif, jeune conseillère agricole du programme Milky Way. Ce programme est destiné aux éleveurs de moins de vingt vaches, soit 98 % des producteurs du pays. Huit élevages sur dix comptent même moins de cinq vaches.
L'avénement du froid dans les exploitations
Le climat tunisien – fortes températures et faibles pluies – limite les périodes de pâturage. « Une vache souffre à partir de 25 °C, c’est-à-dire ici de mai à novembre, explique Mohamed. Il faut souvent nourrir les bêtes au fourrage et au concentré, principalement avec du maïs et du soja. Cela coûte cher ! » Sans compter qu’avec la sécheresse, le prix du foin et de la paille a doublé.
Le programme Evolution est consacré aux « gros » éleveurs, soit une vingtaine d’exploitations publiques ou privées. « La plus grosse ferme produit 28 000 litres par jour », sourit Mohamed. « Depuis 2013, nous avons dispensé 14 000 heures de formation technico-économique à un millier d’éleveurs, explique Myriam Amri, coordinatrice du projet. Cela portait sur notamment l’hygiène de traite, l’alimentation des animaux, la conception des bâtiments d’élevage et la gestion de la dette ».
Abdessalem Gargouri est gérant d’un des 240 centres de collecte de lait mis en place dans le pays par Délice Danone. À ce titre, il a participé à l’avènement du froid dans les exploitations. « L’objectif est d’installer plus de froid à la ferme, explique-t-il. Il s’agit d’améliorer la traçabilité et de généraliser les primes à la qualité. Mais il faudra encore quelques années pour le faire ».
Zoom : microcrédits et transformation
Alors qu’il n’y avait quasiment que des moutons et des chèvres en Tunisie jusque dans les années 1970, l’État s’est emparé du problème et a encouragé la production de vaches laitières. Cela en facilitant notamment l’accès à des microcrédits. Il a aussi permis la création d’une quarantaine d’usines de transformation du lait. Celles-ci offrent aujourd’hui une capacité de transformation de près de 40 millions de litres. Un luxe car la production réelle ne dépasse guère 1 à 2,5 Ml par jour selon la saison.
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