Avec le plus vieil olivier d’Afrique
Au Cap Bon, à la pointe nord-est de la Tunisie, se tient le plus vieil olivier d’Afrique. Solidement ancré dans le village d’Echraf Dar Allouch, le vieux monsieur aurait 2 500 ans, selon l’Institut du monde de l’olivier, basé à Nyons, en France. Sous ses 16 mètres de circonférence, l’arbre millénaire produit toujours des olives. Elles sont petites. Mais elles fournissent toujours une huile excellente. Autour de l’arbre, Madhi et Nabil, les plus proches défenseurs de l’oléastre, voudraient construire un site touristique dédié à l’olivier, bien sûr, mais aussi aux abeilles et à la culture berbère.
Le guide du jour, c’est Madhi Gharbi, 45 ans, directeur du groupement de développement agricole qui gère le site. « C’est le plus vieil olivier de Tunisie et d’Afrique ! » assure-t-il. L’agronome nous fait parcourir les 16 mètres de circonférence de l’arbre et ses 40 mètres d’envergure. « Il faut compter la même surface pour les racines », précise Christian Teulade, président de l’Institut du monde de l’olivier.
Cet institut français, basé à Nyons dans la Drôme (France), a à voir dans l’histoire. C’est précisément son ancien président, Freddy Tondeur, qui a daté l’olivier il y a une trentaine d’années. Selon cet homme, aujourd’hui décédé, l’oléastre (olivier sauvage) aurait plus de 2 500 ans. Aurait, car cette estimation n’a pas été faite au carbone 14, méthode de datation « la plus fiable », selon Christian Teulade.
140 kg d’olives et 9 litres d’huile l’an dernier
Toujours est-il que l’arbre est impressionnant. Des micro-amphores remplies de son huile sont proposées au visiteur. Car l’ancêtre est toujours productif ! Ridé, tordu, parfois creux… mais productif : 140 kilogrammes d’olives et 9 litres d’huile l’an dernier. Rien d’étonnant pour Christian Teulade : « Les olives sont produites sur les rameaux de l’année précédente. » Une leçon en tout cas pour ces nouvelles variétés d’oliviers dites « super intensives ». Elles sont, certes, très productives (jusqu’à 2 000 pieds/ha), mais elles s’essoufflent vite, après une vingtaine d’années de production. Et l’huile des variétés pluviales est « meilleure, sans hésitation », tranche Kamel Gargouri, 50 ans, directeur général de l’Institut de l’olivier, à Sfax, l’une des plus grandes régions oléicoles du monde.
Le midi, en pique-niquant à l’ombre de notre olivier dont les racines puisent dans l’ère phénicienne, nous dégustons son huile sur du pain d’orge. « Elle a un goût d’amande », dit Abdallah El Gtari, 84 ans. Ex-« ami intime » de Freddy Tondeur, cet ancien directeur d’école d’El Haouaria, à 7 kilomètres de là, dit avoir « co-découvert l’olivier ». Il montre des photos. Sur l’une d’elles, on le voit poser, encore jeune, sous le vieil olivier, déjà âgé. « C’est Freddy qui a pris le cliché », se souvient, ému, Abdallah El Gtari.
Malmené mais toujours résistant
Pour la nôtre de photo, c’est Nabil Bel Khiria, 48 ans, qui pose sur le vieux tronc. Normal : Nabil est le gardien de l’arbre. C’est lui qui l’arrose, le taille, le nettoie… Bref, le bichonne. Sauf que, dit-il, « les caméras de surveillance ont été cassées et il y a du vandalisme ». Près de nous, des boîtes de bières écrasées attestent de ses dires.
Mais le vieil arbre en a vu d’autres. Chaleur tunisienne, manque d’eau, vents du Cap Bon… jusqu’à un incendie en 1992. Cela l’a « ragaillardi », soutient Madhi Gharbi. Allez savoir. Toujours est-il que l’olivier est toujours debout. Peut-être est-il protégé par le Marabout attenant ? Le bâtiment aux allures de mosquée sert d’école coranique aux enfants. « Ils viennent s’amuser dans l’arbre », peste gentiment Nabil. « C’est un beau paysage de voir les enfants attachés à ce vieil arbre », a écrit une internaute sur un forum dédié à l’olivier. Gageons que beaucoup d’enfants joueront encore sur ses branches et que beaucoup d’adultes pique-niqueront sous son ombre.
Un site touristique autour de l’olivier et des abeilles
Devant le Marabout, ils ont aussi installé un espace dédié aux abeilles. Ce « monde des abeilles », comme ils l’appellent, contient notamment des ruches en verres. « C’est pour permettre l’observation d’une colonie », explique Madhi. Un espace dédié aux plantes sauvages et médicinales a été aménagé à côté de ces ruches. Des démonstrations de distillations traditionnelles sont prévues.
Une tente berbère, un moulin traditionnel et un musée de l’olivier compléteront le site. De même qu’un kiosque de présentation et de vente d’huile d’olive et de semences d’oliviers. Des espaces de jeux, de détente et un circuit de promenade à dos de dromadaire ou de cheval sont également au programme.
Reste que tout cela a un coût. Coût que le groupement de développement agricole (GDA), qui gère le site, ne peut pas payer seul. C’est pourquoi Madhi Gharbi, qui est aussi directeur de ce GDA, en appelle à la générosité d’institutions ou de donateurs pour faire avancer son projet. « Ce serait un beau site touristique et pédagogique autour de l’olivier millénaire d’Echraf », plaide-t-il.
C‘est comme si vous preniez un verger de pommiers à l’ancienne et un verger intensif moderne. La densité de plantation des oliviers diffère énormément d’une plantation à l’autre. Et ce dans tous les grands pays producteurs (Espagne, Italie, Grèce…). Vous trouverez l’olivier traditionnel conduit en pluvial – avec seulement l’eau de pluie – planté à raison de 60 à environ 300 pieds par hectare. Et l’olivier dit « super-intensif », conduit sous irrigation, qui dépasse parfois les 2 000 pieds par hectare.
À la culture traditionnelle et familiale de l’olivier a succédé, depuis une quinzaine d’années, une culture d’exportation super-intensive. Les rendements sont, bien sûr, très supérieurs. Tout comme l’est la rentabilité. Mais, comme dans les autres productions, quantité ne rime pas souvent avec qualité. « L’huile des oliviers conduits en culture pluviale est meilleure que celle des oliviers conduits en intensif. Sans hésitation ! » résume Kamel Gargouri, 50 ans, directeur général de l’Institut de l’olivier de Sfax, l’une des plus grandes régions oléicoles du monde.
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