Les lumières du monde

Il ne décolérait pas l’autre après-midi, à l’OCDE, à Paris. Il, c’est Ibrahima Coulibaly, président de la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali (Cnop). La raison de sa colère : le mauvais aiguillage des aides publiques à l’agriculture en Afrique. « Qu’on ne vienne pas me dire que l’Afrique est pauvre ! a-t-il réfuté. L’Afrique est riche ! Elle reçoit beaucoup d’argent. Seulement, cet argent reste dans les capitales. Quelques personnes accaparent les ressources en disant « ça va changer… ». C’est ça la vérité ! Mais, on ne pourra pas continuer comme ça. »

Ibrahima prend l’exemple de ces tracteurs qui arrivent par appel d’offres et que l’on retrouve chez de hauts-dignitaires ou autres… « Mais, pas en brousse, chez les paysans qui en ont besoin ! » Idem pour l’engrais subventionné : « On le retrouve chez des commerçants qui le revendent ! ». Le président de la Cnop dénonce aussi des gabegies : « Dans mon pays, les fonctionnaires perçoivent un per diem de 100 € pour se déplacer dans leur propre pays ». Pour le Salon de l’agriculture de Paris, des membres des délégations « bénéficiaient de 300 € par jour ». Ou encore : « L’Afrique est le continent où il y a le plus de séminaires et de rapports au monde ! On ne s’en sortira jamais comme cela. Il faut partir des vrais besoins ».

Si le constat ne surprend guère, se pose alors la question du contrôle des fonds envoyés en Afrique. Là encore, le paysan est remonté : « Il y a deux ans, le Mali a bénéficié d’un projet Fida de 28 milliards de francs, explique-t-il. Mais depuis, personne n’est venu voir ce qu’il est advenu de cet argent… ». La solution ? « Il faut travailler au niveau des bailleurs de fonds internationaux, plaide Ibrahima. Ceux-ci doivent mieux contrôler l’efficacité de leurs aides ».

Sans cette réaction, Ibrahima en est sûr, « la situation ne pourra pas tenir longtemps ». Il évoque une jeunesse désespérée, des campagnes abandonnées, une facture alimentaire trop lourde… Mais, là encore, point de salut : « Les importateurs sont souvent des gens au pouvoir… », dit-il. 

Reste qu’avec les nouvelles technologies, les Africains « voient les lumières du monde ». Espérons que ces dernières éclaireront l’intelligence des hommes pour redonner prospérité, espoir et justice au continent. On peut toujours rêver…