« Il faut réaffecter les subventions agricoles »
La FAO, le PNUD et le PNUE estiment que les subventions actuelles éloignent l’agriculture de ses objectifs environnementaux et sociaux. Selon eux, il faut notamment modifier le soutien apporté à « une industrie laitière et carnée surdimensionnée ».
Les subventions mondiales aux producteurs agricoles s’élèvent à 540 milliards de dollars par an, soit 15 % de la valeur totale de la production agricole. Mieux, à l’horizon 2030, ce montant devrait être multiplié par plus de trois pour atteindre quelque 1 759 billions de dollars. C’est un constat tiré d’un rapport de l’ONU publié mi-septembre.
Le plus dommageable est que « 87 % de ce soutien, soit environ 470 milliards de dollars, entraînent une distorsion des prix et sont nuisibles sur le plan environnemental et social », note l’ONU dans ce même rapport, intitulé A multi-billion-dollar opportunity : Repurposing agricultural support to transform food systems, et publié avec l’aide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Résultat, les Nations unies appellent à « la réorientation » de ces subventions « afin d’atteindre davantage d’objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030 et de concrétiser la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes ».
« Mesures inefficaces »
Le rapport constate que le soutien actuel aux producteurs consiste essentiellement en des incitations par les prix, telles que les droits de douane à l’importation et les subventions à l’exportation. Et par des subventions fiscales liées à la production d’un produit ou d’un intrant spécifique. « Ces mesures sont inefficaces, faussent les prix des denrées alimentaires, nuisent à la santé des populations, dégradent l’environnement et sont souvent inéquitables et favorisant les grandes entreprises agroalimentaires au détriment des petits exploitants », cinglent les auteurs du rapport. Choquant quand on sait qu’en 2020, plus de 810 millions de personnes étaient confrontées à la faim chronique dans le monde, et près d’une personne sur trois (2,37 milliards) n’avait pas accès à une alimentation adéquate toute l’année.
Résultat : « reconfigurer le soutien aux producteurs agricoles, plutôt que de l’éliminer, contribuera à mettre fin à la pauvreté, à éradiquer la faim, à promouvoir une agriculture durable et à atténuer la crise climatique », notent les experts des agences onusiennes.
« Un appel à la prise de conscience »
Qu Dongyu, le directeur général de la FAO, va plus loin et déclare que ce rapport « est un appel à la prise de conscience pour que les gouvernements du monde entier repensent les régimes de soutien à l’agriculture ». Objectif : « Les rendre aptes à transformer nos systèmes agroalimentaires et à contribuer à améliorer quatre aspects que sont une meilleure nutrition, une meilleure production, un meilleur environnement et une meilleure vie. »
L’agriculture est l’un des principaux contributeurs au changement climatique en raison des émissions de gaz à effet de serre provenant notamment des engrais synthétiques et du changement d’affectation des terres. Dans le même temps, les producteurs sont particulièrement vulnérables aux impacts de la crise climatique, tels que les sécheresses, les inondations ou les attaques de criquets.
Réorienter les soutiens axés sur les pesticides, les engrais et les monocultures
« La poursuite des subventions habituelles aggravera la triple crise planétaire et nuira au bien-être humain », poursuivent les auteurs. Ils avertissent : « Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, il faut modifier le soutien apporté dans les pays à revenu élevé à une industrie laitière et carnée surdimensionnée ». Cette dernière représente, d’après eux, « 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ». Dans les pays à faible revenu, les gouvernements devraient « envisager de réorienter leur soutien aux pesticides et engrais toxiques ou à la croissance des monocultures ».
« Les gouvernements ont l’occasion de transformer l’agriculture en un moteur majeur du bien-être humain, et en une solution aux menaces imminentes du changement climatique, de la perte de nature et de la pollution, explique Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE. En passant à un soutien agricole plus positif pour la nature, plus équitable et plus efficace, nous pouvons améliorer les moyens de subsistance, et en même temps réduire les émissions, protéger et restaurer les écosystèmes et réduire l’utilisation des produits agrochimiques. »
Améliorer la condition de 500 millions de petits exploitants
« La réaffectation des aides agricoles pour orienter nos systèmes agroalimentaires dans une direction plus verte et plus durable, notamment en récompensant les bonnes pratiques, peut améliorer la productivité et les résultats environnementaux, explique Achim Steiner, administrateur au PNUD. Cela améliorera également les moyens de subsistance des 500 millions de petits exploitants agricoles dans le monde, dont beaucoup sont des femmes. »
En optimisant le soutien au secteur agricole à l’aide d’une approche transparente, personnalisée et fondée sur des preuves, notre planète bénéficiera d’un système agroalimentaire mondial plus sain, plus durable, plus équitable et plus efficace. Reste à voir si ce rapport retiendra l’attention des experts de la COP 26 sur les changements climatiques qui aura lieu en novembre. Cet événement pourrait être l’occasion, pour les gouvernants, de repenser « un système de subventions agricoles obsolète », dixit le rapport.
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