« Au Cameroun, il faut professionnaliser la filière bovine »
Fort du succès de sa boucherie-charcuterie du Littoral (BCL) qu’il a fait essaimer dans le pays, le Français Jean-Roger David explique ce qu’il faudrait faire pour améliorer la qualité de la viande au Cameroun.
La Boucherie-Charcuterie du Littoral bien connue sous le sigle B.C.L. a été créée en 2001 à l’initiative de Jean-Roger et Juliette David, son épouse et adjointe. Ils avaient constaté sur les marchés l’absence d’offre en produits carnés de qualité.
Les produits présents en abondance sur les marchés étaient proposés pour l’essentiel dans des conditions d’hygiène et d’emballage inadaptés et sans offrir une multiplicité de découpes à même de valoriser les produits.
Afrique Agriculture : Quel a été votre objectif principal en ouvrant cette entreprise ?
Jean-Roger David : Notre objectif premier a été de répondre à une demande en produits carnés garantissant qualité, hygiène et prix adaptés au marché, pour combler un vide en viande de qualité. Nous nous sommes appuyés sur le savoir-faire de bouchers expatriés confirmés à même de répondre aux demandes spécifiques du marché et pouvant former efficacement le personnel. Aucune école de formation dans le secteur de la boucherie n’étant présente au Cameroun, nous avons opté pour des formations de haut niveau en interne. Aujourd’hui, nous réalisons un chiffre d’affaires de plus de 8 milliards CFA et employons plus de 150 personnes.
Quel est votre vision de l'élevage au Cameroun en particulier, l'élevage bovin ?
L’élevage au Cameroun emploie plus de 30 % de la population rurale. Il est encore, en ce qui concerne l’élevage bovin, une filière traditionnelle. Sous l’égide du Ministre de l’Elevage, le Docteur TAIGA, la filière bovine va connaître sa modernisation. De grands projets sont en cours de réalisation : un abattoir de Ngaoundéré, des chambres froides de stockage des carcasses dans différentes villes.... Nous soutenons sans réserve de tels projets et nous sommes impatients de participer à cette modernisation !
Qu’est-ce à dire ?
Une professionnalisation des éleveurs et une modernisation des pratiques d’élevage est impérative dans la filière bovine camerounaise pour développer un cheptel de qualité, abondant et avec une productivité qui permette de maintenir des prix de vente adaptés aux consommateurs. Les changements climatiques vont aussi contraindre les éleveurs à adopter des techniques d’embouche au lieu de la traditionnelle transhumance.
Vous produisez, transformez, commercialisez… Comment s’opère la traçabilité de la viande dans votre structure ?
Nous développons, en partenariat avec Patrick Desplaces exploitant agricole à l’ouest du Cameroun, le « Ranch de Kouoptamo », que nous voulons représentatif des techniques modernes d’élevage : suivi sanitaire, embouche, ensilage… L'objectif est de produire une viande locale de qualité à des prix raisonnables. De nombreux éleveurs ont été sélectionnés et fidélisés au fil des ans. Ils respectent notre cahier des charges de la naissance jusqu’à la livraison des carcasses dans nos chambres froides.
Par nos exigences, nous avons certainement offert une « nouvelle vitrine commerciale », contribué à tirer nos producteurs « vers le haut » et assuré sécurité alimentaire de nos clients.
En ouvrant des boucheries professionnelles dans les principales villes du Cameroun et dans les quartiers résidentiels, quel est votre principal objectif ? Se faire plus d'argent ? Répondre à une demande de plus en plus exigeante ?...
Nous avons quatre grandes boucheries de détail au Cameroun et trois laboratoires de transformation destinés à la vente en gros et au détail. Nous projetons aussi l’ouverture de deux nouvelles boucheries en 2017. Nous sommes implantés dans des zones résidentielles car une grande partie de notre clientèle est sensibilisée à la qualité et aux normes d’hygiène.
Le beau et le propre font encore peur à une certaine clientèle qui associe ces éléments à des prix élevés.
Quels sont vos rapports avec le ministère de l’Elevage ?
Nous sommes bien connus de notre ministère de tutelle et espérons que leurs appréciations à notre égard sont positives. Nous approuvons le développement actuellement mis en œuvre dans la filière bovine par le Docteur TAIGA, Ministre de l’Elevage, et nous souhaitons vivement y prendre part. Il est à noter que le Ministre lui-même à encouragé et facilité il y a quelques années notre implantation dans la ville de Yaoundé.
Quel regard portez-vous sur la distribution des produits carnés au Cameroun ?
Ici, la distribution des produits carnés ne répond pas encore aux normes d’hygiène élémentaires. Le Ministère de l'élevage a mis en place une flotte de véhicules destinés à transporter la viande dans de bonnes conditions sanitaires. Tous les projets en cours de développement vont dans le sens d’une amélioration des conditions de distribution. A terme la professionnalisation de la filière sera incontournable.
C’est-à-dire ?
Les acteurs économiques doivent prendre conscience de leur rôle et de leurs obligations vis à vis des consommateurs. Ils doivent se moderniser d’eux-mêmes sans attendre les contraintes extérieures. Etre propre, appliquer des règles d’hygiène élémentaire est une discipline profitable qui n’entraîne pas obligatoirement de coûts supplémentaires. C’est seulement une volonté de bien faire pour l’intérêt commun.
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