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Recherche scientifique

Valorisation des potentialités microbiennes du sol pour atténuer le stress hydrique en agriculture

Photos : droits réservés

Au cours des dernières années, notre planète a été témoin d'une série de sécheresses sévères qui ne font que s'intensifier en fréquence et en gravité. Cette situation précaire met en danger la disponibilité même des ressources en eau, une ressource cruciale pour la survie de tous les écosystèmes et des populations humaines. Parmi les régions les plus touchées par ce phénomène alarmant, on retrouve le bassin méditerranéen et le continent africain, où la pénurie d'eau menace à la fois les ressources aquatiques en surface et souterraines.

L'agriculture, pilier essentiel de notre système alimentaire, est particulièrement vulnérable face à ces sécheresses. Les conséquences de ces événements climatiques sont d'autant plus préoccupantes dans un contexte de croissance démographique rapide et de conflits régionaux qui influencent considérablement les prix et la disponibilité des denrées alimentaires à l'échelle mondiale. Face à cette crise imminente, les gouvernements et les acteurs de l'industrie se mobilisent pour renforcer les infrastructures hydrauliques, investir dans des installations de dessalement (dont le nombre dépasse désormais 22 000 dans 177 pays) et améliorer la capacité de stockage des barrages et des réservoirs tout en minimisant les pertes d'eau liées aux inondations.

L'intelligence artificielle pour mieux gérer les ressources

Une approche novatrice et prometteuse émerge dans ce contexte, celle de l'intégration de l'intelligence artificielle pour une gestion plus efficace des ressources en eau d'irrigation et une optimisation de leur utilisation dans les pratiques agricoles. Cette stratégie implique l'exploitation d'outils technologiques tels que les images satellites, les drones, les capteurs et les applications déployées par les agriculteurs pour améliorer la gestion des ressources hydriques et accroître leur efficacité.

Cependant, une autre perspective qui attire l'attention est l'exploration des potentialités des microbiotes du sol en tant que solution prometteuse pour atténuer les effets du stress hydrique dans les systèmes agricoles. Le sol abrite en effet une vie microbienne d'une incroyable diversité, comprenant des bactéries, des champignons, des archées et même des virus. Ces organismes microscopiques jouent un rôle essentiel dans des processus tels que le cycle des nutriments et la décomposition de la matière organique, tout en contribuant à la prévention des maladies végétales. Cependant, ce qui suscite un intérêt croissant, c'est leur capacité à moduler les réponses des plantes face au stress hydrique, une découverte récente qui a ouvert de nouvelles perspectives passionnantes.

Optimiser l’utilisation de l’eau grâce aux microbes du sol

Un élément central dans cette dynamique est la rhizosphère, cette zone fertile entourant les racines des plantes. Cet environnement abrite une myriade de micro-organismes, dont les interactions avec les racines des plantes forment le microbiote racinaire. Ces interactions jouent un rôle crucial dans la tolérance des plantes au stress hydrique. Les mécanismes sous-jacents à l'atténuation du stress hydrique par les microbiotes du sol sont complexes et variés, impliquant des interactions physiologiques et moléculaires étroites entre les micro-organismes et les plantes.

Par exemple, certains microbes du sol contribuent à l'optimisation de l'utilisation de l'eau par les plantes en améliorant la structure du sol. Ces micro-organismes forment des biofilms qui favorisent l'agrégation du sol, ce qui améliore à la fois l'absorption et la rétention de l'eau. De plus, ces biofilms agissent comme une barrière protectrice autour des racines, aidant ainsi les plantes à absorber l'eau disponible de manière plus efficace et à minimiser les pertes liées à l'évaporation et au lessivage.

Un autre mécanisme clé réside dans l'amélioration de l'absorption des nutriments. Certains microbes du sol, tels que les champignons mycorhiziens, établissent des relations symbiotiques avec les racines des plantes. Cette symbiose élargit la portée des racines pour l'eau et les nutriments, améliorant ainsi l'efficacité de l'utilisation de l'eau par les plantes et renforçant leur tolérance à la sécheresse.

Au niveau moléculaire, les micro-organismes du sol interagissent avec les plantes en produisant des métabolites spécifiques qui favorisent la tolérance au stress hydrique. Certains métabolites induisent la production d'hormones végétales comme l'acide abscissique, qui régule la fermeture des stomates et la transpiration. Cela aide à réduire les pertes d'eau par transpiration excessive. D'autres métabolites agissent comme des molécules de signalisation, déclenchant des réponses de tolérance au stress hydrique chez les plantes.

De plus, les microbes du sol contribuent également à réduire le stress oxydatif induit par le manque d'eau. Ce stress peut entraîner la production excessive de radicaux libres dans les cellules végétales, provoquant des dommages oxydatifs et des perturbations métaboliques. Les bactéries antioxydantes du sol peuvent aider à neutraliser ces radicaux libres, contribuant ainsi à maintenir la santé et le fonctionnement normal des plantes en période de sécheresse.

Enfin, les microbes résidant dans la rhizosphère peuvent agir comme agents de lutte biologique, en déclenchant des réponses chez les plantes qui renforcent leur tolérance au stress hydrique. Certaines bactéries bénéfiques induisent une résistance systémique chez les plantes, les préparant ainsi à faire face au stress hydrique avant même qu'il ne survienne.

Conclusion, défis et perspectives futures

À une époque de changements climatiques et de raréfaction de l'eau, des approches innovantes sont essentielles pour maintenir l'agriculture et assurer la sécurité alimentaire. Le potentiel inexploité des microbiotes du sol offre une solution globale et durable pour gérer le stress hydrique. En comprenant et en utilisant les interactions bénéfiques entre les microbes du sol et les plantes, nous pouvons ouvrir la voie à des pratiques agricoles plus résilientes et durables. Les recherches futures pourraient donc se concentrer sur l'identification et la sélection de souches microbiennes spécifiques optimisant la tolérance des plantes au stress hydrique. L'application pratique de ces micro-organismes du sol, sous forme de biostimulants et de formulations microbiennes, pourrait contribuer de manière significative à la résilience des cultures face au stress hydrique. Dans un monde en évolution constante, ces avancées pourraient avoir un impact majeur sur la sécurité alimentaire mondiale et la durabilité de l'agriculture. Cependant, pour concrétiser ces avantages, il est essentiel de relever plusieurs défis. Tout d'abord, une compréhension approfondie des interactions complexes entre les microbes, les plantes et leur environnement est nécessaire. Ces interactions impliquent des mécanismes génétiques et physiologiques sophistiqués qui doivent être démêlés pour une application efficace.

En outre, pour garantir la stabilité et l'efficacité à long terme des traitements microbiens dans divers contextes agricoles, des recherches approfondies sont indispensables. Il est crucial de déterminer comment ces micro-organismes peuvent être intégrés de manière harmonieuse dans les écosystèmes agricoles existants sans perturber l'équilibre écologique. Les avancées dans les technologies modernes, telles que la métagénomique, la métabolomique et la transcriptomique, permettront d'approfondir notre compréhension des interactions complexes entre les microbes et les plantes.

En travaillant en harmonie avec la nature, les agriculteurs et les chercheurs peuvent exploiter le pouvoir des microbes du sol pour cultiver des cultures plus résilientes et productives, contribuant ainsi à un avenir plus durable et sécurisé sur le plan alimentaire. Cette approche innovante incarne la puissance de la biodiversité microbienne pour favoriser des systèmes agricoles plus productifs et plus respectueux de l'environnement.

Auteurs : 

  • Prof. Essaid AIT BARKA, université de Reims Champagne-Ardenne, Reims, 51100, France
  • Prof. Kamal ABERKANI, faculté pluridisciplinaire de Nador, université Mohammed Premier, Selouane, Nador, 62700, Maroc

Essaid AIT BARKA

 

Kamal ABERKANI
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