Une stratégie nationale pour remplumer l’aviculture
L’aviculture béninoise se prépare à conquérir son marché local, longtemps dominé par des produits de volaille importés de l'Occident. Le ministre en charge de l'Agriculture a annoncé en avril dernier la possibilité d'interdire l'importation des poulets congelés d'ici 2025. Les producteurs locaux souhaitent en tirer profit.
Dans sa ferme située en périphérie de Porto-Novo, la capitale du Bénin, Pythagore Anago nourrit de grandes ambitions. Cet ingénieur agronome souhaite booster sa production de poulets goliath. « En trois ans, nous sommes passés de 300 poussins par semaine à 1 500. Nous travaillons maintenant pour atteindre 2 500 poussins par semaine », confie ce jeune entrepreneur, qui livre ses volailles au Bénin et dans des pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre.
Au Bénin, la production locale de volailles est encore très faible. En 2021, 16 005 tonnes de viande de poulets ont été produites, tandis que la quantité importée s'élevait à 65 653,04 tonnes, soit plus de quatre fois la production locale. En valeur, les données de la FAO indiquent que 60 962 000 dollars américains de viande de poulet réfrigérée ont été importés en 2021.
Le risque d'inhibition du secteur avicole béninois par ces produits importés est réel. « Les importateurs ont un coût de revient d'environ un euro par poulet et revendent sur le marché béninois à plus de 2 euros. C'est une concurrence déloyale qui détruit tout l'écosystème de l'élevage », déplore le Dr Vital Tchibozo, zootechnicien spécialisé dans la gestion des ressources et la nutrition.
Mesures protectrices
La dépendance ne concerne seulement pas que la viande de poulet, selon les chiffres publiés en juin 2022 par l'Institut national de la statistique. La valeur des importations de viandes et abats comestibles, frais, réfrigérés ou congelés a été estimée à plus de 60 milliards de francs CFA, soit environ 100 millions de dollars américains en 2021. Alors, le Bénin ambitionne de mettre fin à l'importation des produits de volaille.
À partir du 31 décembre 2024, « plus aucun œuf ni poulet congelé ne pourront être importés au Bénin ». Le ministre béninois de l'Élevage, Gaston Dossouhoui, l'a annoncé aux acteurs en avril 2023. Ceux-ci s’en réjouissent. « Cette mesure va nous permettre de gagner une bonne part de marché et réaliser des bénéfices. Nous ne pouvons pas nous aligner sur les prix de vente des produits importés, au risque de ne pas perdre notre capital », déclare Pythagore Anago.
Pour la faîtière des aviculteurs, c'est une suite logique du plaidoyer auprès du chef de l’État béninois, Patrice Talon, et qui a d’ailleurs conduit en 2018 à la mise en place d'un projet relatif aux œufs de table. La production est alors passée de 9 850 tonnes en 2010 à 16 888 tonnes en 2021. « Nous encourageons le gouvernement à faire de même pour le secteur de la viande de volaille, qui reste un souci majeur pour les aviculteurs. Nous voulons des mesures protectionnistes comme c'est le cas dans certains pays en Afrique de l'Ouest », plaide Gustave Lantefo, président de l'Union nationale des aviculteurs professionnels du Bénin.
Préparer 2024
En attendant, des initiatives sont en cours pour développer la filière avicole. Plusieurs vagues de poussins d'un jour importés de Belgique ont été réceptionnées en 2022 au profit des aviculteurs. Des doses de vaccination subventionnées ont également été mises en place. « J'ai encouragé les maires à utiliser les ressources du Fonds d'appui au développement des communes pour faciliter les vaccinations et aider les éleveurs locaux à développer l'élevage local », assure le ministre béninois.
Une lutte contre l'importation du soja, une légumineuse utilisée dans l'alimentation des volailles, a été déclenchée. Mais les aviculteurs attendent surtout la concrétisation de la mesure d'interdiction d'importation de la viande de volaille pour être totalement soulagés. « Les aviculteurs n'ont plus l'enthousiasme de se tourner vers la production de viande de volaille parce que les viandes importées ont pris leur place sur le marché, alors qu’on ne sait pas dans quelles conditions les viandes importées sont produites et transportées », martèle Gustave.
Coût du poussin d’un jour | Coût du poulet transformé |
490 F CFA (0,75 euro) | 3 500 FCFA (5,32 euros) |
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