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Nigeria

Trop de violences entre cultivateurs et éleveurs

Publié le 05/07/2018 - 16:13
Des paysans en viennent à prendre des armes pour défendre leurs bêtes ou leur terre. Photo : DR

Le secteur agricole du Nigeria fait l’objet d’une croissance constante depuis 2015 si bien que le gouvernement de Muhammadu Buhari table sur une contribution de 40 % au PI B du pays d’ici 2020. Cependant, les tristes événements enregistrés ces derniers temps au Nigeria risquent de constituer un frein à cette ambition. En effet, depuis janvier, les violences entre les cultivateurs et des éleveurs peuls ont pris de l’ampleur avec à la clé des dizaines de personnes tuées du côté des agriculteurs et des dégâts matériels estimés à des centaines de millions de nairas. Les États de Benue et Plateau au centre et Adamawa au nord ont été le théâtre de ces affrontements sanglants. Certes, ces violences durent depuis des décennies, mais celles enregistrées cette année ont jeté la population dans une peur sans précédent. Pour la première fois, les nomades peuls ont fait usage d’armes sophistiquées.

Des pâturages pour mettre fin aux affrontements

 

Certains observateurs se demandent s’il s’agit réellement de nomades peuls ou d’islamistes de Boko Haram chassés de la forêt sambisa et déguisés en éleveurs peuls. Difficile de répondre à cette interrogation à cause du manque de volonté politique des autorités nigérianes.

La raison ? Lors des affrontements précédents, le gouvernement fédéral a constitué des commissions d’enquête pour mettre un terme à ces violences. Les rapports de ces différentes commissions ont un point commun : la création d’espaces verts modernes à travers le pays pour que les éleveurs peuls y vivent avec leur bétail.

Des centaines de milliards de nairas ont été débloqués, surtout par l’administration de l’ancien président Goodluck Jonathan. Celui-ci a remis une enveloppe de 100 milliards de nairas aux gouverneurs d’État en 2014 pour ce projet tant salué par les acteurs du secteur agricole. Mais à ce jour, aucun espace vert n’existe dans le pays. Tous les fonds alloués à ce projet ont été détournés par les politiciens. Dans ces conditions, qui faut-il blâmer ? Les éleveurs peuls qui sont obligés de nourrir leur bétail ou les autorités qui n’ont pas assumé leur responsabilité ? Il faut rappeler que, suite à la négligence du secteur agricole pendant des décennies au profit du pétrole, les routes de transhumance ont disparu.

Les bœufs sont obligés de détruire des récoltes pour brouter les herbes. Face aux incidents de janvier, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Chief Audu Ogbeh, est monté au créneau pour annoncer la construction de réserves de pâturage à travers le pays comme mesure urgente pour mettre fin aux affrontements entre cultivateurs et éleveurs. Il a demandé aux gouverneurs des différents États de mettre à la disposition du gouvernement fédéral des terrains pour la construction d’espaces verts. Seize des dix-neuf États du nord ont donné une suite favorable à la demande du ministre, mais les États du sud refusent de céder des terres pour un tel projet.

Et pour cause : ils considèrent ces nomades peuls comme des terroristes qui pourraient, à l’avenir, coloniser la communauté dans laquelle ils vivent. Le gouvernement fédéral veut donc introduire un projet de loi pour contraindre tous les États à accepter la construction de réserves de pâturage.

Ce développement remet en cause la sincérité du gouvernement nigérian. Pourquoi vouloir forcer des États à accepter l’établissement de telles réserves ? Pourquoi ne pas se concentrer sur les seize États du nord qui ont déjà cédé des milliers d’hectares de terre.

Force est de reconnaître que ces nomades peuls, qui sont des musulmans, ont migré vers le sud à cause de la désertification au nord. Donc la construction d’espaces verts dans cette partie du pays pourrait encourager ces nomades à retourner au nord s’ils n’ont pas d’autres motifs que de nourrir leur bétail.

Aussi, si ce projet fonctionne bien, cela encouragerait les autres États à faire autant. La force n’est donc pas nécessaire. Sinon, si les autorités continuent d’être passives, les violences entre les cultivateurs et les éleveurs prendront bientôt des tournures très alarmantes et les agriculteurs seront obligés d’abandonner leurs exploitations comme ce fut le cas entre 2010 et 2013 dans certains États du nord avec les attaques de Boko Haram. Une telle situation, si elle se produit, va porter un grand coup au secteur agricole qui se porte pour l’instant bien. À bon entendeur, salut !

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