« L’objectif faim zéro 2030 est compromis »
La pandémie de Covid-19 pourrait faire basculer plus de 130 millions de personnes supplémentaires dans la faim chronique d'ici à la fin 2020. C’est l’alarmant constat d’un rapport de l’ONU publié mercredi 15 juillet. Avec près de 20 % de sa population sous-alimentée, l’Afrique est, de loin, la plus touchée.
Ce n’est malheureusement pas une surprise : davantage de personnes souffrent de la faim. C’est le constat alarmant d’une étude que vient de publier l’ONU. La dernière édition de L'état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, publiée le 15 juillet, estime que près de 690 millions de personnes ont souffert de la faim en 2019, soit une augmentation de 10 millions de personnes par rapport à 2018 et de près de 60 millions en cinq ans.
« En raison des coûts élevés et de la faiblesse des moyens financiers, des milliards de personnes ne peuvent pas adopter une alimentation saine ou nutritive. C'est en Asie que les personnes qui souffrent de la faim sont les plus nombreuses. Mais, c'est en Afrique que leur nombre croît le plus rapidement », écrivent les auteurs du rapport produit conjointement par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (Fida), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Selon eux, la pandémie de Covid-19 pourrait « faire basculer plus de 130 millions de personnes supplémentaires dans la faim chronique d'ici à la fin de 2020 ». Actuellement, le nombre de mal ou sous-nourri est estimé à 690 millions de personnes. D’où cette conclusion : « Cinq ans après que le monde s'est engagé à éliminer la faim, l'insécurité alimentaire et toutes les formes de malnutrition, nous ne sommes toujours pas en voie d'atteindre cet objectif d'ici à 2030. »
Si l'Asie reste la région où l'on trouve le plus grand nombre de personnes sous-alimentées (381 millions), l'Afrique arrive en deuxième position (250 millions). Mais, en pourcentage de population, l'Afrique est la plus touchée puisque 19,1 % de sa population est sous-alimentée. Chiffre en constante augmentation. Ce taux est plus de deux fois plus élevé que celui de l'Asie (8,3 %) et près de trois fois celui de l'Amérique latine et des Caraïbes (7,4 %). Résultat, si la tendance actuelle se poursuit, en 2030, l'Afrique « abritera plus de la moitié des personnes qui souffrent de manière chronique de la faim dans le monde », avertissement les auteurs du rapport.
Concernant la pandémie de Covid-19, bien qu'il soit trop tôt pour évaluer l'impact total des mesures de confinement, le rapport estime qu'entre 83 et 132 millions de personnes supplémentaires, pourraient souffrir de la faim en 2020 en raison de la récession économique.
Vaincre la faim et la malnutrition ne se limite pas à assurer une alimentation suffisante pour survivre. Ce que les gens et, surtout, les enfants mangent doit également être nutritif. Or, le coût élevé des aliments nutritifs et la difficulté d'accès à ces aliments restent des obstacles majeurs pour un grand nombre de familles. Le rapport démontre qu'une alimentation saine « coûte bien plus de 1,90 dollar par jour, qui est le seuil de pauvreté international ». Il estime même que le prix d'une alimentation saine est « cinq fois plus élevé que celui à payer pour se remplir l'estomac de seuls féculents ». Les produits laitiers riches en nutriments, les fruits, les légumes et les aliments riches en protéines (d'origine végétale et animale) sont les groupes d'aliments les plus chers au monde.
Résultat selon l’ONU, plus de 3 milliards de personnes ne peuvent pas se permettre une alimentation saine. En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, c'est le cas de 57 % de la population. Mais, aucune région, pas même l'Amérique du Nord ni l'Europe, n'est épargnée. « C'est en partie pour cette raison que la course engagée pour mettre fin à la malnutrition semble compromise », dixit le rapport. D’où ce constat alarmant : « En 2019, entre un quart et un tiers des enfants de moins de cinq ans (191 millions) souffraient d'un retard de croissance ou d'émaciation – c'est-à-dire étaient trop petits ou trop maigres. » Pendant ce temps-là, 38 millions d'enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids. Et l'obésité est devenue une pandémie mondiale chez les adultes.
Pour contrer tout cela, le rapport préconise des solutions : transformer les systèmes alimentaires pour réduire le coût des aliments nutritifs et rendre l'alimentation saine plus abordable financièrement ; intégrer la nutrition dans les stratégies agricoles ; réduire les coûts de production, stockage, transport, distribution, commercialisation des aliments ; réduire les pertes et les gaspillages alimentaires ; aider les petits producteurs locaux à cultiver et à vendre des aliments plus nutritifs et à leur garantir un accès aux marchés ; privilégier la nutrition des enfants etc… Autant de mesures qui ont déjà été demandées maintes fois, mais qui, pour l’heure ne portent toujours pas leurs fruits.
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