Imprimer
Commentaires
Algérie/Interview de Smail Benzakri, expert en aviculture

« La hausse des prix des aliments pour volaille est pratiquée par les importateurs »

Publié le 15/12/2023 - 10:00
Smail Benzakri, expert en aviculture. Photo : Youcef Maallemi

En Algérie, la flambée du prix des aliments pour volaille a poussé bon nombre d’aviculteurs à mettre la clé sous la porte ces derniers temps. Le nombre de poules pondeuses, qui étaient aux alentours de 40 millions en 2020, a chuté à 10 millions. Smail Benzakri, expert en aviculture, nous expose la situation en Algérie.

La crise russo-ukrainienne est-elle une cause importante qui explique la flambée des prix du blé, du soja et du maïs ?

Smail Benzakri : Le marché mondial des matières premières agricoles et alimentaires était déjà sous tension bien avant la guerre en Ukraine, notamment dans les grands pays producteurs-exportateurs. C’est pourquoi la FAO a estimé en 2020 que la production mondiale allait être en légère baisse (2021-2022 : 775 millions de tonnes contre 776,5 millions de tonnes en 2020-2021), par faute de progression des emblavures en raison de la hausse des prix des intrants. Avec la guerre en Ukraine et les grandes perturbations qui vont suivre en matière d’approvisionnement, de transport et de fret maritime, les quantités, mais aussi et surtout les prix des matières premières agricoles et alimentaires et des intrants vont connaître des augmentations considérables. Les prix des céréales vont flamber, atteignant des niveaux très élevés de l’ordre de 400 à 420 dollars/tonne. La mer Noire est une charnière dans la stratégie d’exportation du grain ukrainien, notamment vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. L’Ukraine se classe à la cinquième place des exportateurs mondiaux de blé et en tire 10 % de son PIB. 750 millions d’individus dépendent à plus de 50 % du blé ukrainien.

Cette situation a donc ralenti les importations en Afrique. Quels sont les autres impacts sur l’économie africaine ?

S. B. : En Afrique, l’heure a été effectivement au ralentissement dans le secteur de l’alimentation animale en 2022. La production d’aliments a atteint 42,8 millions de tonnes durant l’année écoulée, soit un recul de 3,86 % comparativement à 2021. L’Afrique comptait 2 357 usines de fabrication d’aliments pour animaux en 2022. La dépendance des pays de d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient aux céréales ukrainiennes et russes est indéniable. 27 pays au moins dépendent des exportations ukrainiennes et russes, pour 50 à 100 % de leur consommation de céréales. Pour certains de ces pays, dont les capacités de stockage sont faibles ou inexistantes, la rupture du réseau de transport signifie aussi une perte totale de leur stabilité alimentaire. C’est le cas du Liban, qui dépend à plus de 60 % du blé ukrainien et dont 80 % de la population était déjà en état d’insécurité alimentaire avant le début du conflit, et de l’Égypte dont 35 à 39 % des apports caloriques quotidiens proviennent du blé tendre et qui dépend de la production ukrainienne à 25 %. Les pays africains, notamment les pays du Sahel et de l’Afrique centrale et orientale, qui sont les plus pauvres, sont déjà en situation d’insécurité alimentaire.

Les défis semblent énormes pour l’Afrique, y compris le Maghreb. Quelle perspective pour la filière avicole en Algérie ?

S. B. : Dans un premier temps, il faut instaurer une planification de l’activité et une régulation du marché, comme les abattoirs. Il faut savoir que les abattoirs agréés au niveau national ne peuvent prendre en charge que 20 % de la production. Les 80 % restant transitent par l’abattage clandestin, ce qui présente un risque sur la santé humaine et cause beaucoup de problèmes. C’est pourquoi il est important de construire un abattoir industriel par wilaya. Je préconise aussi de construire des unités de stockage et de conditionnement, surtout en froid, qui sont en manque flagrant, de réaliser également des unités de transformation de poulet et enfin de délivrer un certificat de qualité dont ne dispose aucun abattoir agréé en Algérie. Avec une telle planification et ces normes, nous pouvons aller vers l’exportation, parce que notre production est très demandée à l’étranger. Je suis très optimiste quant à l’avenir de la filière avicole en Algérie, à condition que les pouvoirs publics mettent en œuvre une stratégie de développement de la filière. Il suffit que le ministre de l’Agriculture prenne la décision de régulation du marché pour arranger tout le monde, l’éleveur comme le consommateur.

Ajouter un commentaire

Pour ajouter un commentaire, identifiez-vous ou créez un compte.

Nos publications

  • Circuits Culture
  • Cultivar Élevage
  • Cultivar Leaders
  • Culture légumière
  • L'arboriculture fruitière