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Algérie

Et toujours le problème du foncier…

Publié le 30/08/2016 - 12:15
Périmètre agricole dans l’Oranais, au nord de l’Algérie. Photos : M. Naïli

Bien que le Premier Ministre ait récemment ordonné le gel de toutes les affectations de terres fertiles autres qu’à l’agriculture, le problème du foncier reste un frein majeur au développement agricole.

 

Abdelwahab Nourri, ministre de l’Agriculture de 2013 à 2015, refusait de céder aux pressions d’installer  des zones industrielles sur les terres agricoles.
En 2015, lors d’une rencontre avec le président de l’organisation patronale Forum des chefs d’entreprise (FCE), l’ancien ministre algérien de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelwahab Nourri, affichait une détermination, inédite pour un membre de gouvernement, à faire barrage au fléau de détournement des terres agricoles de leur vocation initiale.

La posture de l’ancien ministre, (affecté depuis au ministère des Ressources en eau), est venue en riposte à l’ambition du président de l’organisation patronale, Ali Haddad. Ce patron d’une entreprise de travaux publics en pleine expansion souhaitait la concentration de développement agricole dans les régions sahariennes du sud, en y mettant en valeur de nouveaux périmètres, et en cédant davantage de terres fertiles au nord du pays pour le développement de secteurs comme l’habitat, les travaux publics et l’industrie. Quelques mois plus tard, en novembre 2015, le Premier Ministre, Abdelmalek Sellal, émettait une instruction dans laquelle il ordonnait le gel de toutes les demandes d’affectation de terres fertiles à des secteurs autres que celui de l’agriculture.

 

Des pressions multiples

Cet épisode reflète aisément les nouveaux enjeux mais aussi les vulnérabilités qui entourent le foncier agricole en Algérie. Avec une SAU (surface agricole utile) de moins de 8,5 millions hectares, soit moins de 3,5 % de la superficie totale du plus vaste pays d’Afrique (238 millions ha), l’Algérie est confrontée à une insuffisance criante en matière de terres agricoles. À titre de comparaison, la France totalise plus de 29 millions d’ha de SAU avec une superficie totale qui n’atteint pas un tiers de celle de l’Algérie. De même, le Maroc, pourtant beaucoup moins vaste, dispose d’une SAU avoisinant les 10 millions ha.

Il en ressort qu’outre sa rareté, le foncier agricole algérien subit des pressions multiples à l’ombre de développements tentaculaires qui caractérisent depuis le début des années 2000 les secteurs de l’immobilier, des infrastructures routières et des zones industrielles. À titre indicatif, en 2012, par un simple décret exécutif, le Premier Ministre de l’époque a donné son aval pour le déclassement de 5 000 ha de leur vocation agricole et leur réaffectation pour l’implantation de projets de logements. Se voulant moins alarmistes, les services de l’État limitent l’ampleur de ce fléau en évaluant à moins de 200 000 ha, les terres agricoles ayant perdu leur vocation depuis l’indépendance. Néanmoins, en réalité, les pertes sont beaucoup plus importantes.

 

Main basse sur les terres

Faut-il rappeler toutefois que la saignée du patrimoine foncier agricole a débuté avec l’avènement de l’économie de marché consacrée par la Constitution de 1989. Intervenant dans un contexte qui a coïncidé avec l’éclatement de la crise politique et la violence terroriste, la libéralisation du marché foncier au début des années 1990 a entraîné la dilapidation à grande échelle de terrains. Cela a porté un lourd préjudice aux terres agricoles devenues la cible des détournements en série, comme cela a été le cas dans la mythique plaine de la Mitidja, dans la périphérie d’Alger, dans l’Oranais ou dans les vallées du Sebaou en Kabylie et de Chlef.

Les rapports des services de contrôle de l’État attestent que le détournement illégal des terres agricoles de leur vocation a commencé au début des années 1990. « Les détournements qui ont touché les terres agricoles ont eu lieu entre 1994 et 2000, note un rapport de la Cour des comptes en 1999. Ce qui signifie que ces dépassements ont pris de l’ampleur durant la période cruciale de la crise politique que traversait le pays. »

En revanche, après plusieurs années de tergiversations et au moment où l’opinion publique et la classe politique s’attendaient à une décision majeure pour la récupération des terres détournées, le gouvernement a ordonné, en 2011, la régularisation massive de tous les projets immobiliers implantés sur des terres agricoles illégalement acquises. Cela crédite le constat de l’historien Ahmed Rouadjia relevant que « régulariser le fait accompli a toujours constitué une pratique courante depuis que l’Algérie a accédé à sa souveraineté. »

 

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