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Jacob Ouedraogo, ministre de l’Agriculture

« Nous allons construire une grande usine d’engrais au Burkina Faso »

Publié le 29/08/2016 - 10:21
Jacob Ouedraogo, ministre de l’Agriculture et des  Aménagements hydrauliques du Burkina Faso. Photo : A. Hervé

À 59 ans, le ministre de l’Agriculture et des Aménagements hydrauliques évoque son récent voyage d’études en France(1), les agropôles, la modernisation de l’agriculture burkinabé et le litige avec Monsanto.

 

Afrique Agriculture : Pourquoi ce voyage en France ?

Jacob Ouedraogo : Je suis venu voir comment les productions d’oléagineux et de protéagineux sont financées et organisées dans votre pays. Vos organisations de producteurs (OP) sont efficaces. Elles se prennent en charge. Elles ne font pas que mendier comme c’est trop souvent le cas chez nous. Les paysans doivent être les moteurs du développement rural au lieu d’attendre toujours des financements.

Vous semblez apprécier notre modèle de « cotisation volontaire obligatoire »…

J. O. : Oui, même si, au début, le terme m’a fait sourire. Mais, après, j’ai vu que c’est un système efficace pour collecter des cotisations. Nous pourrions nous inspirer de ce modèle. Si chacun comprend le bien-fondé des choses, cela peut engendrer un changement positif dans notre agriculture. Seulement, il n’est pas question de calquer un système. Il faut l’adapter à notre réalité.

Comment comptez-vous moderniser l’agriculture au Burkina ?

J. O. : Il y a plusieurs leviers : fertilisation, semences, mécanisation… Je pense d’abord à la fertilisation. Nos sols sont pauvres. Nous devons ajouter de l’engrais minéral et des amendements organiques. Nous subventionnons déjà les achats d’urée par les paysans et les formules NPK à 50 %. Mais nous devons aller plus loin. C’est pourquoi nous travaillons avec l’OCP (Office chérifien des phosphates, ndlr). Des experts marocains sont venus ici. Notre pays est un grand producteur de phosphate. Nous ambitionnons de construire, en collaboration, une grande usine d’engrais, ici au Burkina. Ce sera la première du genre en Afrique de l’Ouest. Elle devrait être opérationnelle avant 2020.

Vous parliez aussi des semences et de la mécanisation…

J. O. : Oui, ce sont deux autres défis que nous devons relever pour moderniser notre agriculture. Nous subventionnons déjà les semences améliorées à 50 %. Côté mécanisation, nous clôturons cette année l’opération 100 000 charrues lancée en 2011. Nous avons passé des conventions avec des artisans du pays pour la fabrication de ces charrues. En parallèle, nous avons subventionné l’achat de 6 000 ânes et bœufs de traits à 50 % pour tirer ces charrues. La prochaine étape, ce sont les motoculteurs, les tracteurs…

Où en êtes-vous de vos fameux agropôles ?

J. O. : Nous en avons trois en chantier. Le plus important se situe à Bagré, dans le sud-ouest du pays. Il fait 25 000 ha ; les autres font 6 000 ha chacun. Nous sommes en train d’aménager ses agropôles en routes, en réseau d’irrigation. Le but est de passer des conventions avec des investisseurs. (Il se tourne vers ses hôtes et sourit) Si Agropol veut investir dans 1 500 ha à Bagré, nous leur ouvrirons les bras… Nous avons besoin d’une agriculture familiale, mais aussi de grandes surfaces pour répondre à la sécurité alimentaire de nos concitoyens. 

Oui, mais ces agropôles impliquent d’exproprier des paysans…

J. O. : L’État négocie avec les propriétaires. Il les dédommage suivant un plan de gestion économique et social qui est généralement très favorable au paysan qui doit quitter. Ces gens sont réinstallés ailleurs dans des maisons, avec des écoles, des maternités, des dispensaires, des forages, des aménagements hydro-agricoles. Bien souvent, ils gagnent au change vous savez...

Qu’en est-il du procès avec Monsanto concernant les semences OGM de coton ?

J. O. : D’abord, cette saison, nous avons arrêté complètement le coton OGM pour ne planter que des variétés conventionnelles. Cela ne nous empêche pas de tabler sur une récolte en hausse à 700 000 tonnes, soit 100 000 tonnes de plus que l’an passé. Pour revenir à Monsanto, la première année a été bonne. Les semences Bt ont boosté notre rendement. Seulement, très vite, nous avons constaté un problème de qualité des fibres. Elles étaient trop courtes. Cela nous a posé un important problème de commercialisation. Et surtout, cela a causé un tort à notre label et a terni l’image de notre coton du Burkina Faso reconnu pour sa qualité. Alors, après une tentative de négociation infructueuse, nous avons entamé ce procès qui suit son cours…

 

(1) À l’invitation d’Agropol, l’association pour le développement à l’international des oléo-protéagineux. 

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