En Afrique, les cultures vivrières sont menacées par la crise climatique
Un rapport du Fonds international de développement agricole prévoit une chute brutale de la production des cultures de base en Afrique d’ici 2050. D’où cet « appel urgent » du Fida à financer l’adaptation climatique, lors de la COP 26 qui s’ouvre le 31 octobre à Glasgow.
D’ici 2050, la production issue des cultures de base de huit pays africains pourrait diminuer de 80 % dans certaines régions si les températures continuent d’augmenter en raison des changements climatiques. C’est ce qu’indique un rapport publié cette fin octobre par le Fonds international de développement agricole (Fida).
« Cette situation pourrait avoir un effet catastrophique sur la pauvreté et les disponibilités alimentaires, à moins que des fonds ne soient affectés de toute urgence pour aider les agriculteurs vulnérables à s’adapter, tant sur le plan de leurs méthodes que des produits qu’ils cultivent », précise l’institution financière internationale des Nations unies dont le siège est à Rome.
Le Fida met en garde à propos de la COP 26 qui ouvre ses portes le 31 octobre à Glasgow, en Écosse. Celle-ci « échouera à produire un impact durable si les dirigeants mondiaux continuent de donner la priorité aux mesures d’atténuation et de négliger les investissements dans l’adaptation aux changements climatiques », rapporte un communiqué du Fonds.
Conséquences dévastatrices sur les cultures de base
Intitulé « Que peuvent cultiver les petits exploitants agricoles dans un monde plus chaud ? Changements climatiques et choix de cultures adaptées en Afrique orientale et australe », le rapport du Fida montre que, si aucun changement n’est apporté aux pratiques agricoles, l’augmentation des températures de 2°C « aura des conséquences dévastatrices sur le rendement des cultures de base et de rente que plantent les petits exploitants agricoles dans certaines régions d’Afrique. Le rapporte cite l’Angola, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, l’Ouganda, le Rwanda, la Zambie et le Zimbabwe ». Par exemple, poursuit le Fonds, « dans le pire des cas, la récolte annuelle de maïs par ménage dans la province de Namibe en Angola pourrait diminuer de 77 % d’ici 2050 ».
D’où cette critique du Fonds : « Lors de la COP 26, les projecteurs seront braqués sur l’engagement non tenu que les pays riches ont pris il y a six ans de mobiliser 100 milliards d’USD par an de financements climatiques en faveur des pays moins développés d’ici 2020. » Or, poursuit-il, « même si cet objectif avait été atteint, ce serait insuffisant, estime-t-on au Fida. Le coût annuel de l’adaptation dans les seuls pays en développement devrait atteindre 140 à 300 milliards d’USD d’ici 2030. Actuellement, les flux financiers destinés à l’action climatique sont principalement axés sur l’atténuation du réchauffement climatique. Pour 18 USD consacrés à l’atténuation, un seul dollar est destiné à l’adaptation. »
« L’atténuation et l’adaptation sont comme les deux ailes d’un oiseau : nous ne pouvons pas continuer à voler avec une seule aile, explique Jyotsna Puri, vice-présidente adjointe responsable de la stratégie et des savoirs du Fida, à l’origine de ce rapport. Si les mesures d’atténuation sont essentielles, il faudra deux à trois décennies pour qu’elles portent leurs fruits. Il est urgent d’investir dès maintenant dans l’adaptation afin que les petits exploitants agricoles puissent continuer à développer les cultures dont ils dépendent pour gagner leur vie et nourrir leur pays. »
Les petits exploitants des pays en développement les plus vulnérables
Si aucun pays n’est à l’abri des effets des changements climatiques, les petits exploitants des pays en développement sont les plus vulnérables et les moins à même d’y faire face. Ils produisent un tiers des denrées alimentaires dans le monde, et jusqu’à 80 % dans certaines régions d’Afrique et d’Asie. Pourtant, regrette le Fida, ils reçoivent « moins de 2 % des fonds investis au niveau international dans le financement climatique ».
Le déficit de financement en faveur de l’adaptation aura des répercussions dans le monde entier. La baisse des rendements agricoles devrait entraîner une hausse des prix des aliments, une diminution des disponibilités alimentaires et une aggravation de la faim et de la pauvreté. Cela pourrait accentuer les migrations, les conflits et l’instabilité. En 2020, la faim touchait une personne sur dix à l’échelle mondiale et, en Afrique, une personne sur cinq.
Selon les conclusions du rapport, les effets des changements climatiques entraîneront « des modifications radicales dans le choix des cultures et les pratiques agricoles locales de ces pays d’ici 2050 ». Alors, le Fida recommande différentes stratégies agricoles : diversifier les cultures, en réduisant la dépendance au maïs en faveur du manioc, des arachides, des haricots, du sorgho et du mil ; opter pour des variétés adaptées aux conditions locales ; choisir des souches de maïs à maturation courte ; renforcer les capacités et les infrastructures de stockage et de transformation ou encore faciliter l’accès à l’irrigation.
« La COP 26, un tournant pour l’humanité »
« La COP 26 marque un tournant pour l’humanité, poursuit Jyotsna Puri. Nous ne devons pas laisser passer cette occasion de limiter la hausse des températures tout en aidant les exploitants à devenir résilients face aux effets des changements climatiques. La survie même des populations agricoles rurales dépend de leur capacité d’adaptation. »
Le Fida s’est engagé à consacrer « la moitié de son budget climatique à l’adaptation ». Au début de l’année, il a lancé le programme élargi d’adaptation de l’agriculture paysanne (Asap+). Ce mécanisme de financement climatique est, selon eux, « le plus grand fonds consacré à la mise à disposition de financements climatiques pour les petits producteurs, afin de les aider à s’adapter aux changements climatiques et à combattre la faim ».
Ajouter un commentaire
Pour ajouter un commentaire, identifiez-vous ou créez un compte.