Le Bénin réforme son secteur agricole
Plusieurs maillons de l’administration agricole sont liquidés ; d’autres sont créés. De gros investissements sont prévus pour moderniser les cultures d’exportation et créer de l’emploi en milieu rural. Le président Talon affiche de grandes ambitions pour l’agriculture.
L’agriculture constitue une activité névralgique pour le Bénin. Plus de 7 000 000 de Béninois, soit un peu plus de 70 % de la population, tirent leur pitance de ce secteur. Il contribue à plus de 34 % du produit intérieur brut (PIB) national. Depuis l’indépendance (1960), les régimes successifs qui ont dirigé le pays ont placé le développement agricole au premier rang des options retenues pour assurer une économie forte et durable. Malheureusement, les actes n’ont pas suivi les déclarations. Cela a maintenu l’agriculture dans son caractère rudimentaire.
De véritables pôles de développement
Au cours du premier trimestre 2016, Patrice Talon, alors candidat aux élections présidentielles, dressait un état des lieux peu reluisant de l’agriculture béninoise. Il y voyait, entre autres, « des techniques élémentaires, un manque de financement, d’infrastructures appropriées, d’ambition et de dynamisme dans la recherche agricole, une insuffisance de formation des producteurs et des services d’encadrement ».
Pour redorer ce blason peu reluisant, Patrice Talon, devenu président du Bénin, entreprit de profondes réformes de l’environnement agricole. « J’ai la conviction qu’à la faveur des réformes et mutations à opérer, ainsi qu’aux moyens d’investissements pertinents, notre pays pourra s’élever au rang de puissance agricole régionale, avec une grande capacité de production, dans les secteurs de la production végétale, de l’élevage et de la pêche, expliquait-il dans son discours d’investiture. C’est pourquoi, j’entends promouvoir davantage de filières agricoles phares en y investissant massivement, de façon à créer de véritables pôles de développement agricoles et industriels ».
Afin de concrétiser son ambition, l’équipe Talon a engagé une profonde réforme du cadre institutionnel du secteur agricole et a pris quelques décisions majeures. C’est ainsi qu’il a été institué un creuset permanent d’expertises pour apporter un appui à la promotion de la transformation du secteur agricole. Ce creuset dénommé Bureau d’études et d’appui au secteur agricole est un organe de conseils techniques auprès du président de la République. Sa mission principale est de conduire des réflexions techniques et d’initier des actions permettant d’améliorer la productivité agricole et d’augmenter les revenus des acteurs du secteur.
La réussite de cette réforme du secteur passe par la cohérence et la rationalisation du nouveau cadre institutionnel du MAEP. Ainsi, les anciennes structures, dont les attributions se superposent aux nouvelles directions, sont purement et simplement liquidées.
Une approche "chaîne de valeur ajoutée"
C’est dans ce contexte que certaines structures comme la Société nationale de promotion agricole (Sonapra), la Centrale d’achat des intrants agricoles (CAIA-SA), l’Office national d’appui à la sécurité alimentaire (Onasa), l’Office national de stabilisation et de soutien des prix et des revenus agricoles (ONS), ont été fermées. Pour les mêmes raisons, l’Agence de développement de la mécanisation agricole (Adma) et l’Agence de promotion des aménagements hydroagricoles (Aphasa), connaîtront le même destin. Le Gouvernement a toutefois maintenu le Fonds national de développement agricole (FNDA), comme l’un des principaux instruments de financement agricole.
La nouvelle politique agricole privilégie l’approche « chaîne de valeur ajoutée », faisant de la promotion des filières un axe majeur de croissance économique et de lutte contre la pauvreté. Dans ce sens, certaines structures comme l’Agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (ABSSA) et le Laboratoire central de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments (LCSSA), devront être renforcées car elles constituent des maillons importants de promotion des filières. « Certifié ISO 17025, le LCSSA représente un des fleurons à consolider pour donner davantage de chance aux produits agricoles du Bénin d’affronter les exigences de la compétitivité des marchés internationaux », explique un ancien cadre du MAEP.
Ambitions 2021 : vers 300 000 t d’anacarde et 600 000 t d’ananas
Selon lui, les filières orientées vers l’exportation – anacarde, ananas voire cultures maraîchères – sont les plus prises en compte dans cette nouvelle réforme. À celles-ci s’ajoutent les filières émergentes que sont le karité et le soja. Le deuxième groupe porte sur les cultures conventionnelles : maïs, riz, manioc. Cette réforme n’occulte toutefois pas les sous-secteurs tels que l’aquaculture ou les élevages petits ou à cycle court. Au niveau des filières végétales, le programme envisage notamment l’amélioration du matériel végétal.
Pour accompagner cette dynamique paysanne, les centres de recherches seront associés à chacun des pôles de développement pour doper la productivité. Exemple, la production d’anacarde est aujourd’hui de 130 000 t/an. À l’horizon 2020, après un travail sur des plants sélectionnés pour passer de 400 à 700 kg/ha, la production annuelle devrait atteindre 200 000 tonnes puis 300 000 tonnes à la fin du quinquennat présidentiel. En ce qui concerne l’ananas, la production actuelle est de 300 000 t/an. Avec les nouvelles technologies, à l’horizon 2021, le Bénin ambitionne une production de 600 000 tonnes par an avec une bonne partie transformée sur place.
« Nous investirons dans le renforcement de la recherche agricole, la maîtrise de l’eau et l’aménagement des vallées, explique Delphin Koudandé, le ministre de l’Agriculture de l’Élevage et de la Pêche. À titre d’exemple, nous aménagerons la basse et moyenne vallée de l’Ouémé, sur 6 000 hectares, ce qui permettra l’installation de plus de 5 000 jeunes ». Il poursuit : « Notre volonté est d’investir dans une agriculture de grande envergure. Cette réforme est chiffrée à 589 milliards de Francs CFA, dont 504 Mds sont attendus des privés. Au total, pendant le quinquennat, l’agriculture béninoise doit générer plus de 150 000 emplois ».
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