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République démocratique du Congo

Quand l’éducation nuit à l’agriculture…

Publié le 09/03/2017 - 10:42
Certains enseignants bouclent leur fin de mois en faisant travailler les élèves au champ. Photo : Umbo Salama

Dans l’est de la RDC, des enseignants punissent des élèves par l’agriculture. Du coup, des jeunes assimilent le travail des champs à une punition et préfèrent rester au chômage plutôt que de pratiquer ce métier.


Dans plusieurs écoles à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les autorités scolaires ne décolèrent pas. Des élèves fautifs sont contraints de cultiver les champs scolaires en guise de punition, même pendant les heures de classe. Si vous ne voulez pas subir ce genre de punitions, efforcez-vous de ne pas arriver en retard ou de ne pas déranger pendant les heures de classe et même de bien répondre aux questions de l’enseignant. Ce qui indigne plusieurs élèves, comme Alphonse Kasirani, élève inscrit en quatrième mécanique à l’institut Mahamba de Butembo. Celui-ci a dû labourer le champ scolaire pour s’être présenté à l’école avec un retard de 10 minutes.

« Notre préfet m’a demandé de cultiver au moins la moitié de la parcelle de son champ tout simplement parce que je suis arrivé quand on venait de chanter l’hymne national, explique l’élève. Et selon mes estimations, je pense que je vais finir la partie qu’il m’a indiquée dans trois jours. Pendant tout ce temps, je vais rater les cours… ».

De jeunes élèves récoltent des pommes de terre. Photo : Umbo Salama
Comme lui, plusieurs jeunes assimilent l’agriculture à la punition ou à une corvée. Ils pensent que seuls les fautifs peuvent aller au champ. Une maman de Beni s’est dite surprise par la réponse de son fils quand elle lui a demandé de l’accompagner pour sarcler leur champ de haricots. L’enfant a répondu qu’« il n’a commis aucune faute pour être puni de la sorte ». Elle a vite compris que c’est parce que son fils avait cultivé durant une semaine le champ de son enseignant pour avoir dérangé en classe.

 

Réservé aux mamans

Conséquence de tout cela : des facultés d’agronomie sont peu fréquentées. Des jeunes préfèrent se faire inscrire en droit, médecine humaine et vétérinaire, sciences économiques ou informatique…
Dans plusieurs ménages des territoires de Lubero et de Beni, l’agriculture semble réservée aux seules mamans et à quelques hommes. Rares sont des jeunes qui s’adonnent à des activités agricoles. Même après l’obtention du diplôme, ils préfèrent rester au chômage plutôt que de pratiquer l’agriculture ou d’accompagner leurs parents aux champs. Pourtant, la quasi-totalité de la population vit de l’agriculture.
Ces jeunes s’intéressent plus à des métiers tels la menuiserie, la mécanique, le mototaxi… Ou ils s’orientent vers le commerce. « Nous nous heurtons à ce même problème quand nous sensibilisons et accompagnons des ménages pour qu’ils boostent leur économie à partir de l’agriculture, explique Maombi Siva, agronome d’une ONG locale qui intervient dans la sécurité alimentaire au sud de Lubero. Souvent, ce sont des dames qui s’intéressent à nos activités. Moins nombreux sont les hommes qui adhèrent à l’agriculture. Les jeunes, eux, s’opposent catégoriquement à l’idée de pratiquer l’agriculture. »
Le constat est le même pour plusieurs femmes que nous avons rencontrées dans leurs champs. Elles ne savent plus quoi faire pour que leurs enfants ayant l’âge de travailler veuillent bien les accompagner aux champs. « Ils préfèrent rester au village, jouer aux cartes ou au football, écouter de la musique, prendre de la boisson à longueur de journée… que cultiver la terre, s’indigne Fazila Kihemba, mère de six enfants dont l’aîné vient de décrocher son diplôme en commerce et informatique. Pourtant l’agriculture est l’unique activité qui me permet de les nourrir, de les scolariser et de payer leurs soins ».

Une jeune récolte du manioc au sud de Lubero. Photo : Umbo Salama

« Écoles des champs »

Kambale Mihayo est enseignant dans une école secondaire à Butembo. Lui pense que punir les élèves par l’agriculture c’est aussi une façon de leur apprendre comment cultiver le champ. Pour permettre aux enseignants de boucler leur fin de mois, leur salaire étant insuffisant, certaines autorités scolaires mettent des « écoles des champs » à disposition. « Mais cela ne veut pas dire qu’il faut exploiter la faiblesse des élèves et les punir par l’agriculture », dénonce Kaparay Wasikyolo, inspecteur de l’EPSP en chefferie de Bashu, en territoire de Beni. Il affirme par ailleurs qu’il n’a pas encore reçu de plaintes des parents pouvant justifier la sanction des enseignants qui recourent à ce genre de punition. Dans le programme scolaire, il est en effet prévu des heures de travaux manuels où l’on peut enseigner l’agriculture aux élèves.

Umbo Salama

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