Cristal Union, du sucre pour les Africains

Mise en service début 2016, la raffinerie algérienne du groupe Cristal Union est l’aboutissement d’une stratégie africaine mûrement réfléchie. Quand des hommes se rencontrent, les projets deviennent réalité. 

 

L’aventure commence en 2009. Le groupe sucrier français Cristal Union anticipe déjà la fin programmée des quotas en 2017. Sa vision stratégique de développement suit la même logique de continuité territoriale que celle des Américains du Nord. L’Afrique sera à l’Europe ce que l’Amérique latine est aux États-Unis. Avec les besoins déjà insuffisamment couverts du continent, amenés à exploser (voir infographie), les débouchés sont importants pour la France, en excédent de production de sucre de betteraves. Sur les 4,5 millions de tonnes produites par an, seulement deux sont consommées dans l’hexagone. Le reste est exporté. « Nous sommes en concurrence avec les autres pays européens », explique Jean-François Javoy, secrétaire général en charge des finances du groupe Cristal Union.

Au même moment, en Algérie, la famille Dahmani, propriétaire du groupe agroalimentaire LaBelle, entame un projet de construction d’une raffinerie d’une capacité annuelle de 350 000 tonnes de sucre à Ouled Moussa, près d’Alger, avec un cabinet d’ingénierie français. Or ce dernier, spécialisé dans la manutention des céréales, est vite dépassé par l’ampleur de ce projet industriel. 

Est-ce le destin ? Toujours est-il que les dirigeants des deux groupes se rencontrent et concrétisent alors le projet d’usine en s’associant. Les équipes de Cristal Union reprennent la partie industrielle et les partenaires décident de modifier le projet initial en vue de préparer, dès le départ, le doublement de la capacité de l’usine. Elle pourra ainsi être portée à 700 000 tonnes de sucre dès que les conditions seront réunies. « Tout le génie civil du projet initial s’en est trouvé bouleversé mais se donner cet objectif était indispensable pour anticiper les futurs développements », précise Jean-François Javoy.

Avec cette modification et la volonté des partenaires de produire un sucre blanc de haute qualité répondant aux normes européennes les plus exigeantes, le budget global du projet s’est trouvé porté à 150 millions. Cette mise aux normes a autant retardé l’ouverture que renchérit l’opération avec l’adaptation à la réglementation algérienne relative aux sites classés.

À terme, la raffinerie créera 250 emplois directs et environ 350 au total. Car, c’est là un autre pan important de la politique du groupe Cristal Union, caractéristique des valeurs coopératives qui l’animent : « La conviction qu’il est de la responsabilité des entreprises européennes d’apporter savoir-faire et technique pour donner des perspectives aux populations et contribuer au développement du pays », insiste Jean-François Javoy. 

Cette approche sociétale d’accompagnement de l’économie algérienne convainc d’ailleurs les gouvernements des deux côtés de la Méditerranée. Les ministères concernés de l’Industrie et de l’Agriculture ont apporté leur soutien au projet. Cristal Union détient 35 % du capital de la société créée, la majorité étant tenue par LaBelle. « Notre Groupe n’a jamais eu de volonté d’hégémonie, pour preuve, nous avons conclu ce partenariat quelques semaines avant la modification de la Loi de finances interdisant aux investisseurs étrangers de détenir plus de 49 % du capital des sociétés algériennes1 », se réjouit Jean-François Javoy.

L’Algérie devient donc la tête de pont du développement de Cristal Union en Afrique. Il faut dire que le pays dispose de nombreux avantages. Producteur de pétrole, il est compétitif en prix énergétique. Et, à 30 km d’Alger, Ouled Moussa, dans la province de Boumerdès, est un important bassin d’emplois. De plus, les marchés y sont organisés avec un beau potentiel pour les produits sucriers que LaBelle distribuent déjà depuis plus de vingt ans. Enfin, le pays permet d’irriguer de nombreux territoires d’Afrique sub-saharienne. Le site a reçu la visite en décembre dernier du ministre de l’Industrie et des Mines, Abessalem Bouchouareb, à l’occasion de la réalisation des premiers essais de raffinage de sucre. Les tests des matériels et des ateliers se sont poursuivis jusqu’en janvier avec 6 000 tonnes de sucre mis en silo. Une bonne nouvelle pour tout le monde. « Notre raffinerie n’est pas portuaire, il y a rupture de charge avec le port d’Alger. Mais les grands clients industriels en sont très proches et ils nous attendent avec impatience ! », conclut Jean-François Javoy. 

(1) Loi de finances de juillet 2009 limitant à 49 % maximum la détention de parts de capital social d’une entreprise algérienne par une société étrangère.

 

Zoom : le groupe Cristal Union en chiffres
Au niveau européen, le groupe coopératif est le quatrième producteur de sucre et le troisième pour le bioéthanol. Il réalise un chiffre d’affaires consolidé de 1,7 milliard d’euros en 2015. L’export, hors Europe, en représente le tiers. Il correspond à la production de 1,4 million de tonnes de sucre, 174 000 tonnes de pellets de pulpes de betterave et de luzerne, et 5,6 millions d’hectolitres d’alcool et de bioéthanol. Principalement implanté sur le territoire français, Cristal Union présente une organisation et un fonctionnement qui reposent sur le modèle coopératif : le groupe rassemble une dizaine de milliers d’agriculteurs coopérateurs dans près d’une dizaine de régions françaises.