Le leadership des femmes en Afrique serait-il parfois mal vu ?

Vues comme le fer de lance du développement par les principaux bailleurs, les Africaines peuvent-elles user de leur leadership et capter les opportunités professionnelles ? Tout dépend de la culture du pays.

Les femmes en Afrique⁽¹⁾ sont souvent présentées comme celles par qui passera le développement du continent. « La femme africaine (…) représente la force du continent mais aussi une opportunité. Le taux de l’entrepreneuriat féminin est plus élevé en Afrique que dans toute autre région du monde », lit-on sur le site de la Banque mondiale. 

Les femmes africaines disposent ainsi d’un potentiel de développement professionnel dans une région en forte croissance (3,4 % en 2015 et 4,6 % en 2014). Investir dans l’emploi des femmes dans les pays émergents est un facteur de dynamisme non seulement pour les entreprises mais aussi pour l’économie générale du pays. Comment les femmes africaines appréhendent-elles le leadership et existe-t-il des freins à l’exercer ?

Des leaders experts et arbitres

Le leadership peut être défini comme la faculté de provoquer chez l’autre l’envie de faire une activité sans y être contraint. Il existe plusieurs types de leader : l’Expert reconnu pour sa maîtrise d’un savoir-faire et disposant d’une expérience ; l’Arbitre qui régule le débat et exprime la voix de la majorité dans ses actions ; le Symbolique qui s’empare de l’autorité grâce à l’histoire qu’il raconte. Une enquête réalisée en 2013 auprès d’une dizaine de femmes dirigeantes africaines montre que leur leadership rime avec travail (rigueur, compétences, organisation, efficacité, responsabilité, communication), valeurs (intégrité, courage, conviction, engagement) et aussi avec disponibilité. 

Nous sommes plus dans la version du leader expert et arbitre que dans le camp du leader symbolique. 

Dans les années 1970/1980, les Mamas Benz au Bénin ou Nanas Benz au Togo exerçaient leur métier de commerçantes de pagnes avec beaucoup de conviction et de succès. Au Togo, aujourd’hui, les femmes ne semblent pas rencontrer d’obstacle pour mener une carrière. Une avocate me confiait : « Le fait de diriger ne me pose pas de problème, et c’est bien vu de la part de mon entourage. Surtout que j’étais une des premières femmes exerçant le métier de notaire au début de ma carrière au Togo ».

Dans d’autres pays, en revanche, être reconnue sera moins évident. Chez les Mossis au Burkina, l’homme est qualifié de commandant, la femme est considérée comme le second ou le chef du personnel. Une femme rencontrera toutes les peines du monde pour imposer sa carrière et sera mal vue si son salaire est supérieur à celui de son mari (ce qui devra de toute évidence rester caché). De même, les femmes rencontrent des difficultés dans les postes à responsabilité car certains hommes n’acceptent pas, tout simplement, l’autorité d’une femme.

Or d’après le FMI (Fonds monétaire international), les pays où le taux d’emploi des femmes est plus élevé sont en meilleure santé économique. L’autonomisation des femmes est également un facteur positif pour les enfants puisque les revenus engendrés servent à leur éducation. La situation change aujourd’hui, nombre de cas sont médiatisés de femmes se lançant avec succès dans l’entreprenariat et quittant aussi le monde de l’informel. Mais du chemin reste à parcourir, y compris en agriculture : selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), en Afrique subsaharienne, les femmes sont moins de 15 % à disposer de titres fonciers, alors qu’elles fournissent 70 % de la production alimentaire et participent à plus de 80 % aux travaux liés à la production, la commercialisation et la transformation de produits agricoles.

Marie-José Neveu Tafforeau
Chef de projet Financement et filières agroalimentaires Farm

(1) Il est question ici de l’Afrique subsaharienne.