SIA: l'Afrique à l'offensive
Les lampions se sont éteints sur la 59e édition du Salon international de l’agriculture de Paris (SIA) 2023. La porte de Versailles a été prise d’assaut par des délégations du continent venues nombreuses porter le message d’une agriculture africaine conquérante malgré les conjonctures.
Cette année, le continent aura brillé sur les pupitres au travers de conférences débat, à l’effet de dresser le tableau d’une économie sylvo-agropastorale plus que jamais dynamique et adaptée aux enjeux de l’heure.
En effet, à la survenue des crises politiques observées dans le monde récemment, le constat de la dépendance alimentaire du continent aux importations s’est avéré flagrant. Rapidement, il a fallu actionner les leviers de la production locale et surtout le potentiel agroalimentaire qui, de part et d’autre du continent, est apparu comme une mine inexploitée, capable de juguler les crises alimentaires annoncées çà et là.
Au SIA, c’est autour de la thématique « L’Afrique nourrit les Africains » que s’est tenue le 27 février, sous la coordination du Cirad, de l’AFD, de la Cedeao et du réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d’Afrique de l’ouest (Roppa), une conférence sur les nouvelles politiques publiques capables de répondre aux besoins alimentaires des Africains de manière durable. À la manœuvre, des spécialistes des questions agricoles réuni autour de Damien Conaré, secrétaire général de la chaire Unesco Alimentations du Monde à l’institut Agro de Montpellier.
Ces derniers ont interrogé l’inadéquation entre la population paysanne abondante sur le continent et le faible recul de la faim, car selon la FAO, un Africain sur cinq souffre encore de famine. Ils ont évoqué les questions d’un possible accès à une souveraineté alimentaire ralenti par la flambée des prix des intrants, la dépendance aux importations, entre autres.
Le Nigéria en exemple
Ils ont salué la diversification de l’alimentation observée sur l’ensemble du continent en prenant pour exemple le Nigéria dont l’explosion démographique est allée de pair avec une adaptation de la production locale, qui a vu doubler son maïs, son niébé, ses plantains et autres tubercules. Cette diversification alimentaire observée depuis bientôt quatre décennies a, selon la FAO, fait augmenter la production alimentaire par habitant sur le continent, allant au-delà des 2 500 kilocalories par personne et par jour recommandées. Un état de choses qui n’est pas sans conséquences car, rapidement, se sont posés des problèmes de qualité nutritionnelle, et donc de santé publique. C’est ainsi que l’on a par exemple observé une apparition de l’obésité de l’ordre d’environ 20% dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale.
Heureusement, des initiatives visant à diversifier la production et ses méthodes existent. C’est le cas de Madagascar, où des initiatives privées visent à encourager la production de céréales et de légumes dans le Sud en proie à de graves problèmes alimentaires. On a également évoqué la mutation vers une agriculture bio sous-tendue par la promotion des principes agroécologiques comme la diminution d’intrants artificiels et l’économie d’eau. Non sans rappeler la difficulté de leur mise en œuvre à l’échelle des exploitations familiales majoritaires sur le continent. Des exploitations de plus en plus désertées par une jeunesse qui s’identifie de moins en moins à un cadre rural qui n’offre pas de réelles motivations.
Changement climatique et démographie : les deux inconnus
Cette thématique - « L’Afrique nourrit les africains » - aura permis de dresser un tableau synoptique d’une agriculture africaine capable de se prendre en main, et loin des clichés qui la présente en attente de solution externes pour se sauver, selon les mots d’Elisabeth Claverie de Saint Martin, présidente directrice du Cirad. Même si elle n’a pas manqué d’insister sur le rôle de la recherche et des politiques publiques adaptées qui seront à même d’atténuer les effets des incertitudes à venir à l’instar du changement climatique et du défi de la démographie qui demeure une interrogation permanente.
D’autres rencontres mettant en lumière le continent ont meublé ce SIA ; notamment celle lié au riz en Afrique de l’Ouest (entre autosuffisance et diversification alimentaire), et celle relative au lait local au cœur de la stratégie de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, ou encore l’agroforesterie dans la filière huile de palme.
La clé de l’enseignement agricole
Ce SIA aura également été l’occasion de rappeler les bons points de la coopération franco-africaine particulièrement vive qui s’inscrit dans le cadre des priorités du gouvernement français dont les axes s’articulent autour des engagements pris par le président Macron lors du discours de Ouagadougou en 2018. Ceux-ci concernent prioritairement les aspects de la formation. Car, en effet, près d’un tiers des étudiants africains en mobilité et les élèves des établissements de l’enseignement agricole représentent plus de 300 apprenants issus principalement du Sénégal, du Cameroun, de Cote d’Ivoire. Les actions conduites mobilisent aussi l’expertise de l’enseignement agricole dans le fonctionnement des établissements de formation agricole, la construction de référentiels et de contenus de formation et du renforcement de capacités, elles se concentrent tout particulièrement au Sénégal, en Angola, au Bénin et au Cameroun.
Ce SIA aura connu la participation d’une dizaine de délégations africaines densément représentées par le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Cameroun, tous détenteurs de stands pour démontrer les innombrables produits de terroir.
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